VI
Voici donc un motif qui s'offre, renouvelé ou toujours le
même, mais en tout cas plein d'accent. Voici un vêtement
resté tout aussi suggestif qu'il l'était il y a vingt siècles, un
aliment qui continue depuis des temps immémoriaux son
action lente et obstinée. Voici un groupement humain apte à
recueillir des images, de par l'afflux du ferment noir jadis
lancé dans ses vaisseaux. Voici toujours la mer, la grande
civilisatrice. Voici l'éternelle lumière, ou la brume illuminée.
Pourquoi n'est-il pas légitime que les sollicitations incessantes
exercées par le milieu sur l'homme entraînent toujours
l'homme à répondre intelligemment au milieu?
Le miracle humain est tissé de fatalités si inextricables que
la liberté brusque dont il nous donne l'illusion ne se peut
expliquer pour nous si nous n'y voyons pas la fatalité suprême.
Il faut un enchaînement prodigieux de circonstances diverses
pour qu'ici ou là surgisse, et ce jour plutôt que cet autre,
au sommet d'un flot irrésistible qui porte la curiosité, la
confiance, l'ardeur de vivre et l'esprit de conquête, la flamme
de la création. Il faut que toutes les formes possibles de
l'énergie spirituelle et pratique se soient offertes à des grou-
pements d'hommes jouissant d'ailleurs des privilèges inouïs
que nous avons exposés, pour qu'ils aient pu échanger avec
des groupements voisins les produits de l'industrie par le
moyen du commerce et de ces passions collectives en marche
que sont les caravanes, les navires, les migrations et les
armées. Il faut que des alternatives ni trop rapprochées, ni
trop éloignées, ni trop faciles, ni trop brutales de victoires
et de défaites, de pauvreté et de richesse, de mysticisme et de
critique aient maintenu le sens du drame dans le cœur des
individus. Imaginez par exemple l'aliment s'offrant de lui-
même, le climat mou, ne demandant aucun effort, celui-là
pour le saisir, celui-ci pour le tromper, ou bien que le climat
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Voici donc un motif qui s'offre, renouvelé ou toujours le
même, mais en tout cas plein d'accent. Voici un vêtement
resté tout aussi suggestif qu'il l'était il y a vingt siècles, un
aliment qui continue depuis des temps immémoriaux son
action lente et obstinée. Voici un groupement humain apte à
recueillir des images, de par l'afflux du ferment noir jadis
lancé dans ses vaisseaux. Voici toujours la mer, la grande
civilisatrice. Voici l'éternelle lumière, ou la brume illuminée.
Pourquoi n'est-il pas légitime que les sollicitations incessantes
exercées par le milieu sur l'homme entraînent toujours
l'homme à répondre intelligemment au milieu?
Le miracle humain est tissé de fatalités si inextricables que
la liberté brusque dont il nous donne l'illusion ne se peut
expliquer pour nous si nous n'y voyons pas la fatalité suprême.
Il faut un enchaînement prodigieux de circonstances diverses
pour qu'ici ou là surgisse, et ce jour plutôt que cet autre,
au sommet d'un flot irrésistible qui porte la curiosité, la
confiance, l'ardeur de vivre et l'esprit de conquête, la flamme
de la création. Il faut que toutes les formes possibles de
l'énergie spirituelle et pratique se soient offertes à des grou-
pements d'hommes jouissant d'ailleurs des privilèges inouïs
que nous avons exposés, pour qu'ils aient pu échanger avec
des groupements voisins les produits de l'industrie par le
moyen du commerce et de ces passions collectives en marche
que sont les caravanes, les navires, les migrations et les
armées. Il faut que des alternatives ni trop rapprochées, ni
trop éloignées, ni trop faciles, ni trop brutales de victoires
et de défaites, de pauvreté et de richesse, de mysticisme et de
critique aient maintenu le sens du drame dans le cœur des
individus. Imaginez par exemple l'aliment s'offrant de lui-
même, le climat mou, ne demandant aucun effort, celui-là
pour le saisir, celui-ci pour le tromper, ou bien que le climat
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