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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0199
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bonheur pour sa confiance, l'ordre divin n'étant que l'adap-
tation définitive et par conséquent morte d'un homme défi-
nitif à un monde définitif. L'homme est condamné, par le
jeu de son esprit même, à serrer le poing sur du granit et à
sentir couler entre ses doigts du sable, mais c'est ce drame
affreux qui constitue précisément la majesté de son esprit.
Hors cette illusion-là, il n'est qu'amour des ruines, respect
découragé de ce qui meurt ou est mort, peur de mourir, peur
de vivre. Les Grecs empilant des statues mutilées (i) par les
Perses dans les travaux de terrassement du Parthénon de
Périclès, me semblent avoir vécu le symbole de cette recherche
ardente qui ne veut pas, qui ne peut pas, qui ne doit pas
s'arrêter. Dans le mouvement général d'une humanité qui
cherche à se survivre, chaque génération est une vague qui
cherche à se survivre, chaque homme est une goutte d'eau
qui cherche à se survivre, et c'est cela, peut-être, qui est le
principal aspect de Dieu. Qui d'entre nous ne fait, par rap-
port à sa puissance propre, un effort géant pour durer un
instant de plus, instant qu'il s'imagine riche de possibilités?
Le prêtre, en ouvrant au fidèle les portes de la vie éternelle,
les ouvre à son propre espoir. Le conquérant et le législateur
saisissent un lambeau de temps, qu'ils qualifient d'Histoire
pour animer leur action. Le savant décrit un lambeau
d'étendue où il inscrit une loi pour éterniser la sienne. La
plus humble fille, par la maternité, croit s'emparer de l'avenir.
Le paysan élargit la terre qu'il laissera derrière lui. L'imbécile
se fait construire un mausolée. Erostrate brûle le temple. Le
poète, qui tente d'incorporer la durée et l'espace à sa vie
intérieure pour qu'ils se confondent en elle et passent ainsi,
avec elle, dans la détermination future de l'intelligence et
de la sensibilité des hommes n'est pas, sans doute, le moins
illusionné d'entre eux. Mais il est possible — et probable —
que son illusion soit la plus féconde et la plus noble de toutes,
parce que sa réalisation oriente la réalité de l'esprit.
(!) Fig. 5.

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