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SÉLINONTE
économique si heureusement aménagé par la nature et exploité par les hommes,
toutes facilités.
Depuis l'antiquité, l'activité économique de la Sélinontie s'est déplacée plutôt
que transformée. Les ressources et la production du pays sont restées presque iden-
tiques; mais leur circulation et leur écoulement ont changé de direction. Reléguée
par la mort dans l'inutile mélancolie des nécropoles, Sélinonte semble à jamais
détachée du monde vivant; ses ruines attestent, mais n'expliquent pas, une opulence
qui resterait énigmatique sans le secours de la topologie. Ses estuaires et sa baie
solitaires sont aujourd'hui isolés de l'arrière-pays et fermés à la mer qui ne leur
apporte plus que des sables. Toujours féconde, la Sélinontie moderne a dû
chercher d'autres débouchés; Mazzara et Sciacca, marines de pêche et de cabotage,
se sont substituées à l'antique capitale maritime; elles ont repris avec plus d'ampleur
le rôle de ses deux satellites, l'emporion de Mazaras et la colonie d'Héracleia. Ce
sont elles qui assurent les relations actuelles avec les ports voisins de la côte
sicilienne, Lilybée-Marsala, Agrigente-Girgenti, Syracuse. Trapani, héritière des
anciennes colonies phéniciennes de l'ouest, s'est attribué le monopole du trafic
avec la Libye, trafic bien déchu depuis que la Tunisie ne réclame plus à la Sicile
l'appoint de ses blés, de ses huiles et de ses vins. Enfin, par le chemin de fer
de Palerme à Castelvetrano, Palerme draine aujourd'hui vers le nord la majeure
partie des denrées du terroir. Autrefois, toute la vie économique confluait naturel-
lement vers le grand port méridional; aujourd'hui, elle s'est partagée et diffusée
entre des directions multiples et divergentes. Il suffit donc, pour comprendre
l'antique prospérité de Sélinonte, de reconstituer les fonctions de cet organisme
et la solidarité qui unissait l'arrière-pays à son port et celui-ci au monde ambiant.
Les colons grecs ne s'étaient pas mépris sur la valeur de la position de
Sélinonte. Il n'y avait pas, le long de cette côte méridionale de Sicile, d'autre site
comparable à celui-là. Il réunissait à souhait tous les avantages requis pour une
station côtière en pays barbare. De tout temps, les mêmes nécessités ont fixé sur
certains points d'élection le choix des fondateurs de colonies ou de comptoirs.
C'est d'abord le souci de la sécurité. Avant de songer à conquérir, la troupe
d'aventuriers civilisés qui débarque sur un rivage inhospitalier doit s'assurer d'un
camp retranché, situé à portée de la mer, et bien protégé du côté de la terre. Les
îlots de la côte et les promontoires s'offrent d'eux-mêmes à ce rôle. D'instinct, les
thalassocrates anciens et modernes ont toujours pris possession des saillies du
littoral pour y installer leurs comptoirs. Mycéniens, Phéniciens, Grecs ont ainsi
essaimé leurs stations sur la lisière du Péloponèse, de la Sicile et de la Grande-
Grèce; Français et Anglais ont fait de même à Dakar, à Saint-Louis, à Hong-Kong,
à Shanghaï, etc. En Sicile, Zancle, Naxos, Thapsos, Ortygie, Lilybée, Motyé
occupaient des îlots ou des caps.
SÉLINONTE
économique si heureusement aménagé par la nature et exploité par les hommes,
toutes facilités.
Depuis l'antiquité, l'activité économique de la Sélinontie s'est déplacée plutôt
que transformée. Les ressources et la production du pays sont restées presque iden-
tiques; mais leur circulation et leur écoulement ont changé de direction. Reléguée
par la mort dans l'inutile mélancolie des nécropoles, Sélinonte semble à jamais
détachée du monde vivant; ses ruines attestent, mais n'expliquent pas, une opulence
qui resterait énigmatique sans le secours de la topologie. Ses estuaires et sa baie
solitaires sont aujourd'hui isolés de l'arrière-pays et fermés à la mer qui ne leur
apporte plus que des sables. Toujours féconde, la Sélinontie moderne a dû
chercher d'autres débouchés; Mazzara et Sciacca, marines de pêche et de cabotage,
se sont substituées à l'antique capitale maritime; elles ont repris avec plus d'ampleur
le rôle de ses deux satellites, l'emporion de Mazaras et la colonie d'Héracleia. Ce
sont elles qui assurent les relations actuelles avec les ports voisins de la côte
sicilienne, Lilybée-Marsala, Agrigente-Girgenti, Syracuse. Trapani, héritière des
anciennes colonies phéniciennes de l'ouest, s'est attribué le monopole du trafic
avec la Libye, trafic bien déchu depuis que la Tunisie ne réclame plus à la Sicile
l'appoint de ses blés, de ses huiles et de ses vins. Enfin, par le chemin de fer
de Palerme à Castelvetrano, Palerme draine aujourd'hui vers le nord la majeure
partie des denrées du terroir. Autrefois, toute la vie économique confluait naturel-
lement vers le grand port méridional; aujourd'hui, elle s'est partagée et diffusée
entre des directions multiples et divergentes. Il suffit donc, pour comprendre
l'antique prospérité de Sélinonte, de reconstituer les fonctions de cet organisme
et la solidarité qui unissait l'arrière-pays à son port et celui-ci au monde ambiant.
Les colons grecs ne s'étaient pas mépris sur la valeur de la position de
Sélinonte. Il n'y avait pas, le long de cette côte méridionale de Sicile, d'autre site
comparable à celui-là. Il réunissait à souhait tous les avantages requis pour une
station côtière en pays barbare. De tout temps, les mêmes nécessités ont fixé sur
certains points d'élection le choix des fondateurs de colonies ou de comptoirs.
C'est d'abord le souci de la sécurité. Avant de songer à conquérir, la troupe
d'aventuriers civilisés qui débarque sur un rivage inhospitalier doit s'assurer d'un
camp retranché, situé à portée de la mer, et bien protégé du côté de la terre. Les
îlots de la côte et les promontoires s'offrent d'eux-mêmes à ce rôle. D'instinct, les
thalassocrates anciens et modernes ont toujours pris possession des saillies du
littoral pour y installer leurs comptoirs. Mycéniens, Phéniciens, Grecs ont ainsi
essaimé leurs stations sur la lisière du Péloponèse, de la Sicile et de la Grande-
Grèce; Français et Anglais ont fait de même à Dakar, à Saint-Louis, à Hong-Kong,
à Shanghaï, etc. En Sicile, Zancle, Naxos, Thapsos, Ortygie, Lilybée, Motyé
occupaient des îlots ou des caps.