LE SITE ET LE PAYS DE SÉLINONTE
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Aux navigateurs anciens, le promontoire offrait un double avantage : il
suffisait d'un retranchement pour barrer aux populations indigènes l'accès de
l'isthme qui l'isolait de l'intérieur; ensuite, sa conformation lui assurait sur ses
flancs l'usage de deux ports où les navires avaient la facilité d'accoster ou d'appa-
reiller à volonté, selon la direction du vent.
Le promontoire bas et plat de Sélinonte se prêtait à l'installation d'une
forteresse. La terrasse, aisément accessible par les rampes douces qui montaient
des deux vallons latéraux, pouvait être aménagée en habitat confortable et assez
spacieux. Il suffisait de compléter ses escarpements par un rempart formant une
clôture infranchissable et continue. Sur le front de mer, sa falaise dominant toute
l'ouverture de la baie, garantissait contre les surprises venant du large. Vers la
terre, elle s'amincissait en un isthme, n'offrant aux attaques que le minimum de
prise. Au nord de cet isthme, s'étendait un second plateau plus vaste, propice à
l'agrandissement de la cité hors de son berceau.
De chaque côté, les estuaires du Sélinous et du Cottone ouvraient aux navires
deux havres accessibles par les vents dominants de sud-est et de sud-ouest; on
pouvait, par des môles, les transformer en ports fermés. D'autres estuaires, du
Mazaras à l'Halykos, offraient sur toute la côte une série d'abris provisoires ou de
grèves de halage, au débouché des vallées fluviales, dont le rôle économique a été
retracé plus haut.
Rapports avec l'Afrique. — La richesse d'un territoire n'est pour lui un gage
de prospérité que s'il se trouve à portée de bons débouchés. Or, la proximité de
l'Afrique conférait à Sélinonte une situation privilégiée pour l'exportation des
produits de son sol et pour le trafic d'outre-mer. Entre cette partie de la Sicile et la
Libye carthaginoise, la distance était courte et les communications rapides grâce au
régime des vents. En un jour et demi ou deux jours de navigation, un navire
pouvait traverser le détroit de Sicile et aborder à Carthage directement1. Le plus
souvent, on coupait le trajet soit par l'escale du cap Bon, soit par celle de Kossouros
°u Cossyra (plus tard Pantellaria), située à une journée de mer de Sélinonte,
presque à mi-chemin entre ses ports et le port oriental de la côte carthaginoise,
i. Distance directe entre Sélinonte et le promontoire d'Hermès (cap Bon), 155 kilomètres; entre le cap Bon
et Carthage, 67 kilomètres (une demi-journée de navigation, d'après Skylax. Périple, 114); entre Sélinonte et Car-
thage, 220 kilomètres. Polybe compte environ 1.000 stades (177 kil. 400) entre le cap Lilybée et Carthage, tandis que
Strabon en indique 1.500 (266 kil.) : la distance réelle, en ligne droite, est 212 kilomètres. La distance de 180 milles
romains (265 kil. 870), indiquée par Pline entre Lilybée et le cap Bon (en réalité 145 kil.) doit provenir d'une con-
fusion : ce chiffre dérive de la mesure que donne Strabon pour le trajet de Lilybée à Carthage.
Par temps clair, on distingue du cap Lilybée (auj. Boeo) la côte d'Afrique. Mais l'imagination sicilienne a
toujours eu très bons yeux. Strabon (VI, 1, p. 267) rapporte l'exploit suivant d'une vigie de Lilybée : « Un homme,
dit-on, doué d'une vue perçante, a pu, du haut d'une guette, compter les vaisseaux qui sortaient du port de Carthage
et en dire le nombre aux gens de Lilybée. » Sans doute, cette flotte de vaisseaux trop peu fantômes devait se trouver
déjà beaucoup plus près de l'observateur que de Carthage.
SÉLINONTE. 9
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Aux navigateurs anciens, le promontoire offrait un double avantage : il
suffisait d'un retranchement pour barrer aux populations indigènes l'accès de
l'isthme qui l'isolait de l'intérieur; ensuite, sa conformation lui assurait sur ses
flancs l'usage de deux ports où les navires avaient la facilité d'accoster ou d'appa-
reiller à volonté, selon la direction du vent.
Le promontoire bas et plat de Sélinonte se prêtait à l'installation d'une
forteresse. La terrasse, aisément accessible par les rampes douces qui montaient
des deux vallons latéraux, pouvait être aménagée en habitat confortable et assez
spacieux. Il suffisait de compléter ses escarpements par un rempart formant une
clôture infranchissable et continue. Sur le front de mer, sa falaise dominant toute
l'ouverture de la baie, garantissait contre les surprises venant du large. Vers la
terre, elle s'amincissait en un isthme, n'offrant aux attaques que le minimum de
prise. Au nord de cet isthme, s'étendait un second plateau plus vaste, propice à
l'agrandissement de la cité hors de son berceau.
De chaque côté, les estuaires du Sélinous et du Cottone ouvraient aux navires
deux havres accessibles par les vents dominants de sud-est et de sud-ouest; on
pouvait, par des môles, les transformer en ports fermés. D'autres estuaires, du
Mazaras à l'Halykos, offraient sur toute la côte une série d'abris provisoires ou de
grèves de halage, au débouché des vallées fluviales, dont le rôle économique a été
retracé plus haut.
Rapports avec l'Afrique. — La richesse d'un territoire n'est pour lui un gage
de prospérité que s'il se trouve à portée de bons débouchés. Or, la proximité de
l'Afrique conférait à Sélinonte une situation privilégiée pour l'exportation des
produits de son sol et pour le trafic d'outre-mer. Entre cette partie de la Sicile et la
Libye carthaginoise, la distance était courte et les communications rapides grâce au
régime des vents. En un jour et demi ou deux jours de navigation, un navire
pouvait traverser le détroit de Sicile et aborder à Carthage directement1. Le plus
souvent, on coupait le trajet soit par l'escale du cap Bon, soit par celle de Kossouros
°u Cossyra (plus tard Pantellaria), située à une journée de mer de Sélinonte,
presque à mi-chemin entre ses ports et le port oriental de la côte carthaginoise,
i. Distance directe entre Sélinonte et le promontoire d'Hermès (cap Bon), 155 kilomètres; entre le cap Bon
et Carthage, 67 kilomètres (une demi-journée de navigation, d'après Skylax. Périple, 114); entre Sélinonte et Car-
thage, 220 kilomètres. Polybe compte environ 1.000 stades (177 kil. 400) entre le cap Lilybée et Carthage, tandis que
Strabon en indique 1.500 (266 kil.) : la distance réelle, en ligne droite, est 212 kilomètres. La distance de 180 milles
romains (265 kil. 870), indiquée par Pline entre Lilybée et le cap Bon (en réalité 145 kil.) doit provenir d'une con-
fusion : ce chiffre dérive de la mesure que donne Strabon pour le trajet de Lilybée à Carthage.
Par temps clair, on distingue du cap Lilybée (auj. Boeo) la côte d'Afrique. Mais l'imagination sicilienne a
toujours eu très bons yeux. Strabon (VI, 1, p. 267) rapporte l'exploit suivant d'une vigie de Lilybée : « Un homme,
dit-on, doué d'une vue perçante, a pu, du haut d'une guette, compter les vaisseaux qui sortaient du port de Carthage
et en dire le nombre aux gens de Lilybée. » Sans doute, cette flotte de vaisseaux trop peu fantômes devait se trouver
déjà beaucoup plus près de l'observateur que de Carthage.
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