mêmes ceintures étrécies sur les vases du Dipylon, et le colosse d’Apollon, consacré à Délos par les Naxiens,
portait une ceinture de bronze qui était, nous le voyons maintenant, dans les traditions du style archaïque.
Tous les exemples que je viens de réunir, le dernier excepté, appartiennent à des civilisations extrêmement
anciennes, à une époque où pas un burin grec ne savait tracer sur une lame de métal, ni même sur une écorce
d’arbre, le nom de Phébus à l’arc d’argent.
Mais quel nom faut-il donner à la statuette? Est-ce un Apollon? ou simplement un jeune homme,
Mantiklos, le consécrateur? Le bon sens veut que ce soit un Apollon, et il y a vingt ans, on n’eût seulement pas
soulevé cette question. Aujourd’hui, nous sommes plus prudents, et les statues d’Apollon les plus archaïques,
celles. de Théra, de Ténéa, d’Orchomène, sont à peu près dépouillées de leur auréole divine. En effet, on peut
douter que ces sculptures représentent un dieu; le doute est même pleinement justifié ; mais là où une inscription
antique, gravée sur le corps même de la statue, nous conseille de prendre ce marbre ou ce bronze pour une
figure d’Apollon, on risque moins de s’égarer. Un torse recueilli par M. Holleaux dans les ruines du temple
de Ptoos porte sur sa cuisse droite le mot : [âQyJvQoxôyooi et sur l’autre les noms des consécrateurs. II est
donc vraisemblable que cette sculpture avait une dédicace métrique analogue à la nôtre, et qu’elle représentait
l’Apollon Ptoos. Si je m’écoutais, je dirais même que le bronze Tyszkiewicz n’a pas d’autre origine que le torse
découvert par M. Holleaux.
Le bras droit du bronze est perdu ; il pendait le long du corps; l’autre se replie en avant. et la main
gauche, fermée et forée, tenait certainement un arc. La jambe gauche s’avançait un peu.
N’était son inscription, je ne sais à quelle date nous serions tentés de placer la figurine. Mais les épi-
graphistes n’aiment pas remonter au delà du VL siècle, et, quand ils se hasardent jusqu’au premier quart du VII e.,
c’est en s’excusant de leur témérité grande. Cette fois, je crois qu’ils seront obligés de faire un effort et d’aller
beaucoup plus en arrière: si loin qu’ils aillent, au VIII e siècle, au IX e. même, le type de la statuette sera toujours
très antérieur à l’inscription. La question touche ici aux plus graves problèmes. 'Est-ce vraiment à la poésie
homérique que certains mots du texte ont été empruntés? ou bien, ces mots et ces formules étaient-ils alors
dans le domaine public? Puis l’alphabet grec, est-il vraiment si jeune qu’il nous soit interdit de chercher aucun
document écrit avant le VII e siècle? Les raisons qui nous empêchent d’accorder aux Grecs la connaissance de
l’alphabet avant i’an iooo n’ont pas de force dirimante. Tout archéologue qui tiendra entre ses mains le bronze
du comte Tyszkiewicz, aura le sentiment de tenir un objet d’une antiquité prodigieuse (i).
Je vais encore appeler l’attention sur quelques détails que l’original seul laisse bien saisir. Au bas du
cou, d’une épaule à l’autre, il y a une chaînette ciselée, formée de tout petits anneaux. Ce doit être un collier,
maladroitement attaché. Les sourcils et le bord inférieur de la ceinture sont cordelés. Tout le crâne est lisse;
une entaille, destinée à la ténie, fait le tour de la tête, et, au-dessous de cette entaille, une frise étroite de
ciselures simulant un rang de cheveux bouclés garnit le front. Au milieu du front, on a percé un trou, un
autre au sommet du crâne, et, entre eux, existe une raie qui se prolonge jusqu’à la nuque. A quoi ont pu
Servir ces trous ? Le premier pouvait être destiné à un clou d’or fixant la ténie; le second reste inexpliqué.
J’ai publié la figurine dans les Monuments et Mémoires (Fondation Piot), t. II, 145 (pl. XV)
Planche XLVI
BAS-RELIEF EN MARBRE
C’est aux environs d’Athènes que ce beau marbre a été trouvé dernièrement. II a plus d’un mètre de
hauteur. Une stèle grecque du V e. siècle, ou des premières années du IV e,, encore voisine de l’école de Phidias,
(i) L’alphabet employé n’ayant plus le vieil epsilon béotien à quatre barres, ni le vieux rho qui ressemblait à notre R, ni un sigma sufhsamment
ancien, la contradiction entre le style du bronze et les règles épigraphiques est aussi grande que possible. Au sujet de cette question difficile et de la présence des
deux formes du chi (dans %aqifszzav et -rd/ow), j’ai reçu une très intéressante lettre de M. Bruno Keil, qui, je l’espère, publiera lui-même les conclusions aux-
quelles il est arrivé.
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portait une ceinture de bronze qui était, nous le voyons maintenant, dans les traditions du style archaïque.
Tous les exemples que je viens de réunir, le dernier excepté, appartiennent à des civilisations extrêmement
anciennes, à une époque où pas un burin grec ne savait tracer sur une lame de métal, ni même sur une écorce
d’arbre, le nom de Phébus à l’arc d’argent.
Mais quel nom faut-il donner à la statuette? Est-ce un Apollon? ou simplement un jeune homme,
Mantiklos, le consécrateur? Le bon sens veut que ce soit un Apollon, et il y a vingt ans, on n’eût seulement pas
soulevé cette question. Aujourd’hui, nous sommes plus prudents, et les statues d’Apollon les plus archaïques,
celles. de Théra, de Ténéa, d’Orchomène, sont à peu près dépouillées de leur auréole divine. En effet, on peut
douter que ces sculptures représentent un dieu; le doute est même pleinement justifié ; mais là où une inscription
antique, gravée sur le corps même de la statue, nous conseille de prendre ce marbre ou ce bronze pour une
figure d’Apollon, on risque moins de s’égarer. Un torse recueilli par M. Holleaux dans les ruines du temple
de Ptoos porte sur sa cuisse droite le mot : [âQyJvQoxôyooi et sur l’autre les noms des consécrateurs. II est
donc vraisemblable que cette sculpture avait une dédicace métrique analogue à la nôtre, et qu’elle représentait
l’Apollon Ptoos. Si je m’écoutais, je dirais même que le bronze Tyszkiewicz n’a pas d’autre origine que le torse
découvert par M. Holleaux.
Le bras droit du bronze est perdu ; il pendait le long du corps; l’autre se replie en avant. et la main
gauche, fermée et forée, tenait certainement un arc. La jambe gauche s’avançait un peu.
N’était son inscription, je ne sais à quelle date nous serions tentés de placer la figurine. Mais les épi-
graphistes n’aiment pas remonter au delà du VL siècle, et, quand ils se hasardent jusqu’au premier quart du VII e.,
c’est en s’excusant de leur témérité grande. Cette fois, je crois qu’ils seront obligés de faire un effort et d’aller
beaucoup plus en arrière: si loin qu’ils aillent, au VIII e siècle, au IX e. même, le type de la statuette sera toujours
très antérieur à l’inscription. La question touche ici aux plus graves problèmes. 'Est-ce vraiment à la poésie
homérique que certains mots du texte ont été empruntés? ou bien, ces mots et ces formules étaient-ils alors
dans le domaine public? Puis l’alphabet grec, est-il vraiment si jeune qu’il nous soit interdit de chercher aucun
document écrit avant le VII e siècle? Les raisons qui nous empêchent d’accorder aux Grecs la connaissance de
l’alphabet avant i’an iooo n’ont pas de force dirimante. Tout archéologue qui tiendra entre ses mains le bronze
du comte Tyszkiewicz, aura le sentiment de tenir un objet d’une antiquité prodigieuse (i).
Je vais encore appeler l’attention sur quelques détails que l’original seul laisse bien saisir. Au bas du
cou, d’une épaule à l’autre, il y a une chaînette ciselée, formée de tout petits anneaux. Ce doit être un collier,
maladroitement attaché. Les sourcils et le bord inférieur de la ceinture sont cordelés. Tout le crâne est lisse;
une entaille, destinée à la ténie, fait le tour de la tête, et, au-dessous de cette entaille, une frise étroite de
ciselures simulant un rang de cheveux bouclés garnit le front. Au milieu du front, on a percé un trou, un
autre au sommet du crâne, et, entre eux, existe une raie qui se prolonge jusqu’à la nuque. A quoi ont pu
Servir ces trous ? Le premier pouvait être destiné à un clou d’or fixant la ténie; le second reste inexpliqué.
J’ai publié la figurine dans les Monuments et Mémoires (Fondation Piot), t. II, 145 (pl. XV)
Planche XLVI
BAS-RELIEF EN MARBRE
C’est aux environs d’Athènes que ce beau marbre a été trouvé dernièrement. II a plus d’un mètre de
hauteur. Une stèle grecque du V e. siècle, ou des premières années du IV e,, encore voisine de l’école de Phidias,
(i) L’alphabet employé n’ayant plus le vieil epsilon béotien à quatre barres, ni le vieux rho qui ressemblait à notre R, ni un sigma sufhsamment
ancien, la contradiction entre le style du bronze et les règles épigraphiques est aussi grande que possible. Au sujet de cette question difficile et de la présence des
deux formes du chi (dans %aqifszzav et -rd/ow), j’ai reçu une très intéressante lettre de M. Bruno Keil, qui, je l’espère, publiera lui-même les conclusions aux-
quelles il est arrivé.
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