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de méchantes gravures les marbres de l’école attique, pour s’imaginer
que cette figure représente peut-être une impératrice romaine (1). C’est
une déesse du Panthéon grec , une Héra, ou plutôt une Déméter (2).
Par la majestueuse noblesse de l’attitude, par le jet souple et naturel
des draperies, par la grandeur du style, par la liberté et la sûreté du
travail, le torse du Musée de Vienne rappelle certaines sculptures
du Partbénon et du temple de la Victoire Aptère. Il n’est pas permis
de dire que cette statue est de la même main que la Parque ou la
Victoire à la sandale, mais on peut penser qu’elle est de la même
époque , de l’époque de Phidias , d’Agoracrite et d’Alcamène. C’est le
même caractère de souveraine simplicité, la même ampleur de formes,
la même puissance de vie, la même expression du mouvement dans
le calme, la même entente de la draperie. L’étoffe légère de la tunique
enveloppe le corps sans y adhérer et le montre sans le mouler. Mais
le plus léger mouvement, la moindre flexion est accusée par les plis.
Comme dans les sculptures d’Athènes et du British Muséum, les plis
des draperies sont à certains endroits profondément creusés. Il semble
que par le contraste des parties en saillie et des parties en retraite,
les statuaires grecs donnaient un relief plus grand et pour ainsi dire
de la lumière, de la couleur au marbre.
Comment et à quelle époque de la période gallo-romaine, cette
statue du plus bel art grec a-t-elle été transportée à Vienne, où on l’a
découverte en 1823 (3) dans les fondations du Palais Archiépiscopal?
(1) Telle était cependant l’opinion qui régnait
au Musée de Vienne, il y a trente ans : Description
du Musée de Vienne, par T.-C. Delorme (Vienne,
'1841), p. 58.
(2) Le développement des formes , le costume,
la pose conviennent également à ces deux divinités.
Héra et Déméter sont parfois représentées assises
sur un trône. Il est possible que la statue de
Vienne portât quelque attribut à la main ; un
sceptre ou une grenade, si c’était liera; une torche
ou une touffe d’épis, si c’était Déméter. Ce qui nous
porterait à croire que cette statue était plutôt une
Déméter qu’une Héra, c’est d’abord l’ampleur de la
poitrine et du bassin, caractère de la maternité. Or,
comme l’a dit Ottfried Millier, Déméter est plus
mère qu’IIéra. C’est ensuite que les statuesd’Héra,
protectrice d’Argos, déesse dorienne par excel-
lence, devaient être assez rares à Athènes, tandis
que celles de Déméter étaient assurément nom-
breuses danscette ville, et surtout à Éleusis.
(3) Le torse de femme a été à cette époque
donné au musée, où il porte le n° 57. Mais il semble
qu’on n’ait pas su en reconnaître la haute valeur
d’art. Comme l’a déjà remarqué M. Héron de
Villefosse (Gazette archéologique, 1878, p. 115),
on l’a mal placé, à contre-jour, presque dans
l’ombre. Si bien que même Mérimée, qui s’y
connaissait, ne parait point l’avoir vu, lors de sa
visite au Musée de Vienne. ( Notes d'un voyage
dans le midi de la France, p. 47 et s.)
de méchantes gravures les marbres de l’école attique, pour s’imaginer
que cette figure représente peut-être une impératrice romaine (1). C’est
une déesse du Panthéon grec , une Héra, ou plutôt une Déméter (2).
Par la majestueuse noblesse de l’attitude, par le jet souple et naturel
des draperies, par la grandeur du style, par la liberté et la sûreté du
travail, le torse du Musée de Vienne rappelle certaines sculptures
du Partbénon et du temple de la Victoire Aptère. Il n’est pas permis
de dire que cette statue est de la même main que la Parque ou la
Victoire à la sandale, mais on peut penser qu’elle est de la même
époque , de l’époque de Phidias , d’Agoracrite et d’Alcamène. C’est le
même caractère de souveraine simplicité, la même ampleur de formes,
la même puissance de vie, la même expression du mouvement dans
le calme, la même entente de la draperie. L’étoffe légère de la tunique
enveloppe le corps sans y adhérer et le montre sans le mouler. Mais
le plus léger mouvement, la moindre flexion est accusée par les plis.
Comme dans les sculptures d’Athènes et du British Muséum, les plis
des draperies sont à certains endroits profondément creusés. Il semble
que par le contraste des parties en saillie et des parties en retraite,
les statuaires grecs donnaient un relief plus grand et pour ainsi dire
de la lumière, de la couleur au marbre.
Comment et à quelle époque de la période gallo-romaine, cette
statue du plus bel art grec a-t-elle été transportée à Vienne, où on l’a
découverte en 1823 (3) dans les fondations du Palais Archiépiscopal?
(1) Telle était cependant l’opinion qui régnait
au Musée de Vienne, il y a trente ans : Description
du Musée de Vienne, par T.-C. Delorme (Vienne,
'1841), p. 58.
(2) Le développement des formes , le costume,
la pose conviennent également à ces deux divinités.
Héra et Déméter sont parfois représentées assises
sur un trône. Il est possible que la statue de
Vienne portât quelque attribut à la main ; un
sceptre ou une grenade, si c’était liera; une torche
ou une touffe d’épis, si c’était Déméter. Ce qui nous
porterait à croire que cette statue était plutôt une
Déméter qu’une Héra, c’est d’abord l’ampleur de la
poitrine et du bassin, caractère de la maternité. Or,
comme l’a dit Ottfried Millier, Déméter est plus
mère qu’IIéra. C’est ensuite que les statuesd’Héra,
protectrice d’Argos, déesse dorienne par excel-
lence, devaient être assez rares à Athènes, tandis
que celles de Déméter étaient assurément nom-
breuses danscette ville, et surtout à Éleusis.
(3) Le torse de femme a été à cette époque
donné au musée, où il porte le n° 57. Mais il semble
qu’on n’ait pas su en reconnaître la haute valeur
d’art. Comme l’a déjà remarqué M. Héron de
Villefosse (Gazette archéologique, 1878, p. 115),
on l’a mal placé, à contre-jour, presque dans
l’ombre. Si bien que même Mérimée, qui s’y
connaissait, ne parait point l’avoir vu, lors de sa
visite au Musée de Vienne. ( Notes d'un voyage
dans le midi de la France, p. 47 et s.)