74 PLATEAU ANTIQUE EN ARGENT ET SARCOPHAGE EN PIERRE.
l'attaquent des deux côtés en bondissant sur lui; un deuxième centaure, muni des
mêmes armes, accourt pour le secourir. Plus loin, cette même scène à quatre combat-
tants, c’est-à-dire deux centaures et deux fauves, se répète avec quelques variétés dans
les poses; un arbre garni de quelques feuilles trilobées termine cette double scène cyné-
gétique, dont les acteurs sont au nombre de huit. La section suivante commence par
une lacune qui en a soustrait la moitié; dans ce qui en reste, il semble que l’on aperçoit
l’arrière-train d’un cavalier armé d’un bouclier; puis un cerf se défendant contre un
chien qui l’attaque et lui mord les jambes de devant; enfin deux grands lièvres fuyant
dans un fourré. Au quatrième tableau, la corrosion du métal a rendu les images très
confuses; on croit reconnaître cependant, dans un paysage montagneux et boisé, un
cerf à haute ramure qui descend une pente; une biche, beaucoup plus distincte, monte
en courant; puis, plus loin, est-ce un cavalier ou un carnassier qui attaque un daim?
Enfin, tout au bout, sous un arbre à fruits ronds, est-ce un félin ou un singe qui
rampe à terre? Passons plus rapidement sur la cinquième série, qui n’est que la repro-
duction du combat déjà décrit, entre quatre centaures, deux lions et deux léopards;
on n’y remarque que de légers changements dans la posture des bêtes féroces et des
chasseurs mythologiques. Arrivons enfin au dernier compartiment où huit animaux
domestiques semblent simuler entre eux des luttes moins meurtrières ; ce sont, selon
toute apparence, des boucs et des chèvres, des chevaux et des taureaux qui se jouent
en faisant des sauts et des gambades ou en s’élançant les uns vers les autres.
En somme, cette décoration circulaire du disque de Contzesti nous remet en
mémoire, plutôt par ses sujets que par leur exécution, les vases d’argent sur lesquels
au beau temps de la toreutique grecque, Acragas ciselait des chasses et des centaures;
mais Pline, qui nous fait connaître cet artiste et ses œuvres célèbres1, nous dit aussi
que, de son temps déjà, Part de ce grand maître était bien déchu. Notre plateau est
loin de donner un démenti au naturaliste cisalpin. On peut affirmer même que ce travail
d’orfèvre est fait à une époque beaucoup plus basse que celle des Antonins. Pour s’en
convaincre on n’à qu’à mettre en présence la manière dont les luttes entre fauves et
centaures y sont traitées, avec la célèbre mosaïque du Musée de Berlin, dite mosaïque
de Marefoschi. Dans cette œuvre d’art, découverte en 1779 au milieu des ruines de la
villa d’Hadrien à Tibur, ce sont aussi des centaures et des fauves qui se font la guerre ;
mais ce n’est plus là une lutte vulgaire. La scène est des plus pathétiques. Dans un site
d’âpres rochers, dont le fond seul s'ouvre sur un horizon de forêt, un tigre déchire de
ses griffes la belle poitrine de femme et les flancs de cavale d’une jeune centauresse
terrassée et peut-être déjà morte. Le centaure, les cheveux et la barbe incultes, se
précipite furieux vers la bête qui, sans lâcher sa proie, tourne la tête vers lui pour le
menacer de ses crocs. Il a déjà étendu à terre un lion qui râle baigné dans son sang;
mais on dirait qu'il craint de lancer le gros bloc de pierre que ses bras robustes élèvent
I. Plinii, [Iislor. natur., XXXIII, 55.
l'attaquent des deux côtés en bondissant sur lui; un deuxième centaure, muni des
mêmes armes, accourt pour le secourir. Plus loin, cette même scène à quatre combat-
tants, c’est-à-dire deux centaures et deux fauves, se répète avec quelques variétés dans
les poses; un arbre garni de quelques feuilles trilobées termine cette double scène cyné-
gétique, dont les acteurs sont au nombre de huit. La section suivante commence par
une lacune qui en a soustrait la moitié; dans ce qui en reste, il semble que l’on aperçoit
l’arrière-train d’un cavalier armé d’un bouclier; puis un cerf se défendant contre un
chien qui l’attaque et lui mord les jambes de devant; enfin deux grands lièvres fuyant
dans un fourré. Au quatrième tableau, la corrosion du métal a rendu les images très
confuses; on croit reconnaître cependant, dans un paysage montagneux et boisé, un
cerf à haute ramure qui descend une pente; une biche, beaucoup plus distincte, monte
en courant; puis, plus loin, est-ce un cavalier ou un carnassier qui attaque un daim?
Enfin, tout au bout, sous un arbre à fruits ronds, est-ce un félin ou un singe qui
rampe à terre? Passons plus rapidement sur la cinquième série, qui n’est que la repro-
duction du combat déjà décrit, entre quatre centaures, deux lions et deux léopards;
on n’y remarque que de légers changements dans la posture des bêtes féroces et des
chasseurs mythologiques. Arrivons enfin au dernier compartiment où huit animaux
domestiques semblent simuler entre eux des luttes moins meurtrières ; ce sont, selon
toute apparence, des boucs et des chèvres, des chevaux et des taureaux qui se jouent
en faisant des sauts et des gambades ou en s’élançant les uns vers les autres.
En somme, cette décoration circulaire du disque de Contzesti nous remet en
mémoire, plutôt par ses sujets que par leur exécution, les vases d’argent sur lesquels
au beau temps de la toreutique grecque, Acragas ciselait des chasses et des centaures;
mais Pline, qui nous fait connaître cet artiste et ses œuvres célèbres1, nous dit aussi
que, de son temps déjà, Part de ce grand maître était bien déchu. Notre plateau est
loin de donner un démenti au naturaliste cisalpin. On peut affirmer même que ce travail
d’orfèvre est fait à une époque beaucoup plus basse que celle des Antonins. Pour s’en
convaincre on n’à qu’à mettre en présence la manière dont les luttes entre fauves et
centaures y sont traitées, avec la célèbre mosaïque du Musée de Berlin, dite mosaïque
de Marefoschi. Dans cette œuvre d’art, découverte en 1779 au milieu des ruines de la
villa d’Hadrien à Tibur, ce sont aussi des centaures et des fauves qui se font la guerre ;
mais ce n’est plus là une lutte vulgaire. La scène est des plus pathétiques. Dans un site
d’âpres rochers, dont le fond seul s'ouvre sur un horizon de forêt, un tigre déchire de
ses griffes la belle poitrine de femme et les flancs de cavale d’une jeune centauresse
terrassée et peut-être déjà morte. Le centaure, les cheveux et la barbe incultes, se
précipite furieux vers la bête qui, sans lâcher sa proie, tourne la tête vers lui pour le
menacer de ses crocs. Il a déjà étendu à terre un lion qui râle baigné dans son sang;
mais on dirait qu'il craint de lancer le gros bloc de pierre que ses bras robustes élèvent
I. Plinii, [Iislor. natur., XXXIII, 55.