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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5.1860

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Viollet-le-Duc, Eugène-Emmanuel: Deuxième apparition de Villard de Honnecourt à propos de la Renaissance des arts
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https://doi.org/10.11588/diglit.16990#0037
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS. 31

rant de fleurs, et au son des instruments; les statues de Jean Aubry et de
Jacques Champier seraient connues de toute l'Europe, c'est à qui en aurait
des réductions; ce serait une honte de ne les pas admirer pour peu qu'on
voulut passer pour un homme de goût. Ainsi va le monde; il n'y a que les
vrais artistes qui aiment les œuvres d'art indépendamment du rang qu'on
leur a fait, qui ne voient dans ces œuvres que la pensée et l'exécution,
non les titres de noblesse, et les vrais artistes ne sont pas communs.

Nos œuvres sont roturières, elles sont sorties du peuple et sont restées
peuple, nos statuaires^ nos architectes, nos peintres, s'appellent Légion;
ils n'ont fait tous que donner une forme, un appui visible à une
grande pensée d'émancipation intellectuelle, qui commence vers la fin
du xne siècle pour ne pas s'arrêter un seul jour dans sa marche. La
Renaissance commence à poindre en France à l'heure où l'on jure la pre-
mière commune. Quand un peuple est réellement un peuple, c'est-à-dire
qu'il est réuni par des liens de race, par des traditions, par des intérêts
et des malheurs communs, chaque individu, chaque société, chaque
siècle même, ne sait trop qui le pousse et où il va; mais examinez de
loin ces actes divers quelquefois en apparence, et vous voyez qu'ils
concourent, suivant une logique impérieuse, vers un seul but que Dieu
leur a marqué. Nous avons été les éclaireurs de la Renaissance; nous n'en
savions rien; soit : mais je me souviens qu'en ce qui me concerne, lorsque
je travaillais devant ma table ou que je suivais mes ouvriers sur mon
chantier, ce qui me poussait, ce n'était pas l'idée d'accumuler d'une cer-
taine façon un certain nombre de pierres de taille, mais bien une sorte de
désir jamais assouvi de laisser sur la pierre une pensée, de la rendre
comme intelligible, de lui communiquer la vie, l'action, de créer une chose
qui pût dire toujours nos travaux, nos recherches, nos espérances.... Mais
il est tard, nous reprendrons ce discours une autre fois.

Croyez, mon confrère, qu'on se fait de votre temps sur la renaissance
des arts, de singulières illusions, et notamment touchant l'influence qu'a
pu prendre l'Italie sur cette partie de l'Occident. L'Italie (en fait d'art s'en-
tend) n'a jamais fait chez nous qu'embrouiller les affaires; elle a été pour
nous la maîtresse qui vient s'imposer dans le ménage et tout brouiller,
et qui'finit par ruiner la famille, sans en devenir plus riche pour cela.

Tenez, lisez ce petit livre, si vous ne le connaissez déjà; il est singu-
lièrement instructif quoiqu'il ait été écrit longtemps après la Renaissance,
et je reviendrai vous voir. » En disant cela, Tombre de Vilïârd laissa sur
ma table un petit volume relié en veau, et disparut.

E. VIOLLET-LE-DLC.
 
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