DOI Heft:
Nr. 3
DOI Artikel:Mouvement des arts et de la curiosité
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dans quel embarras je vous mettrais en vous manquant de parole, j'avais laissé préparer
l'eau-forte par un jeune élève, dans l'espérance que je pourrais la retoucher et la finir
en temps utile. Mais tandis qu'il égratignait son cuivre, ma fièvre augmentait, redou-
blée sans doute par le chagrin môme que me causait cet inévitable retard... Bref, pour
votre honneur et pour le mien, je vais refaire la gravure, et vous pouvez l'annoncer à
vos lecteurs... » Je n'avais plus rien à dire à une si honnête déclaration; j'ai serré la
main à notre ami. Mais ceci me fait revenir malgré moi sur les difficultés dont je par-
lais dans ma lettre précédente, et qui se représenteront plus d'une fois, tant que la
Gazette sera publiée tous les quinze jours. Je sais bien qu'on pourrait les éviter en
composant d'avance toutes les livraisons d'une année, en se ménageartt une telle provi-
sion'de gravures qu'on ne pût jamais être pris au dépourvu. Mais cela revient à dire
qu'il faudrait avoir 300,000 francs en caisse lorsqu'on entreprend une publication
comme la nôtre, et qu'il vaudrait mieux abandonner le soin de la faire à des financiers,
qui ne la feraient jamais. Sans doute, si nous avions la fortune d'un duc de Luynes ou
d'un baron Sina, avec le goût des arts qui les anime, et qu'il nous fût permis de ne pas
regarder au budget, nous pourrions publier un journal exquis, une véritable friandise
d'amateur, et, chose bizarre! plus alors on prodiguerait l'argent, plus on en gagnerait.
A mesure qu'on aurait l'air de le jeter par la fenêtre, il rentrerait par la porte, car la
fortune est comme les autres femmes: elle n'aime guère que les indifférents... Mais
tout n'est pas ainsi pour le mieux dans la meilleure des Revues, et, tant que nous au-
rons une périodicité aussi pressante, nons serons exposés à commettre des fautes qui
ne seront pas toujours aussi bien réparées que cette fois.
« Voilà, cher ami, d'assez belles réflexions philosophiques, ce me semble; si cepen-
dant elles vous paraissaient manquer de nouveauté, vous n'en direz rien à nos lecteurs.
Faites-leur savoir seulement qu'ils auront bientôt une jolie gravure de Gaucherel, et
que le jour même où ils la recevront, ils devront déchirer la première et y substituer la
seconde, de peur que, dans la suite, un relieur bien intentionné ne fasse exactement le
contraire. Donnez-leur aussi cette excellente nouvelle que nous aurons, selon toute
apparence, un article de M. Yitet sur la Source de M. Ingres, et qu'ainsi le doyen du
grand style aura été apprécié dans la Gazette par deux maîtres dans l'art d'écrire sur
les arts... Vous voyez, mon ami, que je ne vous oublie point, et qu'en vous demandant
un congé je n'ai pas pris congé de vous. Je demeure, avec votre permission, rédacteur
en chef en semestre, et votre ami, charles blanc.»
« P. S. Je reçois à l'instant d'Athènes deux moulages précieux dont, par paren-
thèse, le port m'a coûté plus cher que la façon. L'un est pris sur un bas-relief gracieux
du bon temps, qui est déposé dans le cabinet de M. Pittakis; il représente les trois
filles d'Aglaure qui dansent au son de la flûte de Pan; l'autre est un buste de femme,
sans tète ni bras, d'après un des plus beaux marbres qui soient exposés dans le musée
en plein air des Propylées. C'est notre savant architecte, M. Boulanger, ancien pension-
naire de Rome, qui m'a cédé cette épreuve unique dont le bon creux est perdu, mais
sur laquelle on pourra facilement prendre une nouvelle empreinte. Je compte faire
hommage de ces deux morceaux à l'École des beaux-arts, où sont aujourd'hui les
métopes du temple de Thésée, que M. François Lcnormanl a fait mouler pendant que
nous étions ensemble à Athènes. »
Le directeur : EDOUARD HOUSSAYE.
P1K1S. - IMPRIMERIE DE J. CUVE. R G E SAI.IT-BENOIT. 7
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dans quel embarras je vous mettrais en vous manquant de parole, j'avais laissé préparer
l'eau-forte par un jeune élève, dans l'espérance que je pourrais la retoucher et la finir
en temps utile. Mais tandis qu'il égratignait son cuivre, ma fièvre augmentait, redou-
blée sans doute par le chagrin môme que me causait cet inévitable retard... Bref, pour
votre honneur et pour le mien, je vais refaire la gravure, et vous pouvez l'annoncer à
vos lecteurs... » Je n'avais plus rien à dire à une si honnête déclaration; j'ai serré la
main à notre ami. Mais ceci me fait revenir malgré moi sur les difficultés dont je par-
lais dans ma lettre précédente, et qui se représenteront plus d'une fois, tant que la
Gazette sera publiée tous les quinze jours. Je sais bien qu'on pourrait les éviter en
composant d'avance toutes les livraisons d'une année, en se ménageartt une telle provi-
sion'de gravures qu'on ne pût jamais être pris au dépourvu. Mais cela revient à dire
qu'il faudrait avoir 300,000 francs en caisse lorsqu'on entreprend une publication
comme la nôtre, et qu'il vaudrait mieux abandonner le soin de la faire à des financiers,
qui ne la feraient jamais. Sans doute, si nous avions la fortune d'un duc de Luynes ou
d'un baron Sina, avec le goût des arts qui les anime, et qu'il nous fût permis de ne pas
regarder au budget, nous pourrions publier un journal exquis, une véritable friandise
d'amateur, et, chose bizarre! plus alors on prodiguerait l'argent, plus on en gagnerait.
A mesure qu'on aurait l'air de le jeter par la fenêtre, il rentrerait par la porte, car la
fortune est comme les autres femmes: elle n'aime guère que les indifférents... Mais
tout n'est pas ainsi pour le mieux dans la meilleure des Revues, et, tant que nous au-
rons une périodicité aussi pressante, nons serons exposés à commettre des fautes qui
ne seront pas toujours aussi bien réparées que cette fois.
« Voilà, cher ami, d'assez belles réflexions philosophiques, ce me semble; si cepen-
dant elles vous paraissaient manquer de nouveauté, vous n'en direz rien à nos lecteurs.
Faites-leur savoir seulement qu'ils auront bientôt une jolie gravure de Gaucherel, et
que le jour même où ils la recevront, ils devront déchirer la première et y substituer la
seconde, de peur que, dans la suite, un relieur bien intentionné ne fasse exactement le
contraire. Donnez-leur aussi cette excellente nouvelle que nous aurons, selon toute
apparence, un article de M. Yitet sur la Source de M. Ingres, et qu'ainsi le doyen du
grand style aura été apprécié dans la Gazette par deux maîtres dans l'art d'écrire sur
les arts... Vous voyez, mon ami, que je ne vous oublie point, et qu'en vous demandant
un congé je n'ai pas pris congé de vous. Je demeure, avec votre permission, rédacteur
en chef en semestre, et votre ami, charles blanc.»
« P. S. Je reçois à l'instant d'Athènes deux moulages précieux dont, par paren-
thèse, le port m'a coûté plus cher que la façon. L'un est pris sur un bas-relief gracieux
du bon temps, qui est déposé dans le cabinet de M. Pittakis; il représente les trois
filles d'Aglaure qui dansent au son de la flûte de Pan; l'autre est un buste de femme,
sans tète ni bras, d'après un des plus beaux marbres qui soient exposés dans le musée
en plein air des Propylées. C'est notre savant architecte, M. Boulanger, ancien pension-
naire de Rome, qui m'a cédé cette épreuve unique dont le bon creux est perdu, mais
sur laquelle on pourra facilement prendre une nouvelle empreinte. Je compte faire
hommage de ces deux morceaux à l'École des beaux-arts, où sont aujourd'hui les
métopes du temple de Thésée, que M. François Lcnormanl a fait mouler pendant que
nous étions ensemble à Athènes. »
Le directeur : EDOUARD HOUSSAYE.
P1K1S. - IMPRIMERIE DE J. CUVE. R G E SAI.IT-BENOIT. 7