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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 2
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Blanc, Charles: Les peintures de M. Gigoux dans l'église Saint-Gervais, à Paris
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0187
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17Zi

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

qu’il est sur la brèche. Il appartient à cette génération pleine de foi, de
chaleur et d’énergie que nous vîmes entrer en scène, comme nous sortions
du collège, dix ans environ après les éclatants débuts d’Eugène Delacroix
et après la mort de Géricault. C’est à Géricault particulièrement, à Sigalon,
à Charlet que se rattache le petit corps d’armée dans lequel M. Gigoux a
gagné ses chevrons et dont il est le chef. Pour lui, le romantisme ne fut
qu’un retour à la réalité forte et simple. Gaulois de pur sang, esprit droit
et sain, quoique sujet à des inquiétudes, il s’est tenu à égale distance de
ceux qui tombaient dans le délire du romantisme, et de ceux qui don-
naient dans les travers du style convenu. Il a toujours vu la poésie dans
la nature ; c’est là qu’il l’a cherchée et qu’il l’a trouvée. Un jour Eugène
Delacroix, parlant devant lui du modèle, raillait les peintres qui en font
un usage trop constant ou qui ne veulent jamais s’en passer. « Vous serez
bien avancé, disait-il, quand vous aurez fait poser un Savoyard à trois
francs l’heure ! » Gigoux répondit : « Ce Savoyard, c’est Dieu qui l’a fait. »
Le peintre est tout entier dans cette réponse.

Oui, la nature a été le vrai maître et même le seul maître deM. Gigoux.
Arrivé tout jeune à Paris, vers 1830, après quelques études préliminaires
à Besançon, il fut élève de l’Ecole des beaux-arts, il y apprit le dessin
et devint en peu de temps un dessinateur si habile, au coup d’œil si juste,
à la main si ferme, que ses premières lithographies, qui parurent dans
Y Artiste de Ricourt, furent regardées comme des chefs-d’œuvre. Doué
d’une santé qui le rendait capable de travailler sans relâche et d’obéir
à la plus énergique volonté, il en vint par l’observation de tous les
jours à se faire des principes de dessin tellement simples et tellement
sûrs, qu’il est impossible de s’égarer si on les suit. En présence de la na-
ture, M. Gigoux voit sur-le-champ les traits essentiels, il distingue au pre-
mier coup d’œil ce qui est principal de ce qui est accessoire, de telle sorte
que lorqu’il a commencé un dessin, il peut s’arrêter où l’on voudra: il a
déjà dit tout ce qu’il importait de dire. En d’autres termes, son ébauche
contient tous les éléments d’une chose finie. Un personnage pose-t-il
devant lui pour son portrait, l’artiste aperçoit aussitôt et il accuse les
ombres les plus fortes, et partant de cette base qui lui fournit les plus
grands plans, les plans de construction, il démêle, et ce n’est pas facile,
les ombres qui en valeur tiennent le second rang: puis, il arrive graduel-
lement et par couches successives aux demi-teintes les plus délicates, à
celles qui, constituant l’épiderme de la vérité, achèvent d’exprimer la vie.
Voilà comment les moindres croquis de Gigoux ont tant de saveur et d’ac-
cent. Voilà ce qui a donné tant de prix aux illustrations de GU Bios qui
ont été et qui resteront le modèle du genre, en même temps que la meil-
 
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