TOMBEAU DE HENRI DE SILÉSIE.
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en croix, entouré de la sainte Vierge et des disciples, du xme au xive siècle, prove-
nant de Cracovie, sculpté en albâtre blanc du pays, conservait encore des traces très-
visibles de couleurs qui adhéraient fortement à la pierre, qui avaient un lustre analogue à
celui d’une vieille peinture à l'huile, et qui ne se laissaient pas délayer par un lavage
prolongé. Cet enduit garantissait la pierre de l'influence de l’air, de façon que, dans
les endroits dépouillés par le temps de la couche de couleur, on pouvait encore suivre
la trace et les contours exacts des ornements, d’après la différence de conservation de
la superficie. Vous savez du reste, Monsieur, qu’une pareille observation faite sur les
monuments de la Grèce antique conduisit à la restitution d’une quantité de motifs
d’ornementation dont la trace s’est conservée ainsi sur la surface du marbre. Il me
paraît donc qu’il faut attribuer une grande part de l’éclat avec lequel les peintures
anciennes nous apparaissent quelquefois à la nature du fond autant qu’à la façon
dont les couleurs ont été préparées. Je pense qu’une pierre compacte, le marbre,
l’albâtre, ainsi qu’une terre cuite faite d’une argile plastique bien travaillée (comme
celle du tombeau de Breslau), influe beaucoup sur l’aspect luisant des peintures,
n’absorbant pas trop avidement l’humidité de la couche fraîchement posée, tandis
qu’une pierre poreuse (le grès par exemple, ou la faïence), séchant vite la couleur,
rend celle-ci moins solide et sans éclat. Je crois ensuite que les couleurs étant prépa-
rées avec la craie ou la chaux calcinée pour base, et des matières albumineuses, le
lait, le fromage frais, le blanc d’œuf, etc., la réaction chimique produit une
espèce de mastic hydrofuge, très-solide et luisant, ainsi que j’ai pu m’en convaincre
par des essais directs. Cet enduit, coloré suivant le besoin par un oxyde métallique
insensible à l’inffuence de la chaux, adhère à la surface des pierres calcaires par la
force de son affinité chimique, et à la terre cuite par la force mécanique d’une très-
faible porosité de l’argile compacte passée à un grand feu, et produit une pellicule
solide, luisante et colorée, inattaquable à l’air et à l’humidité. C’est ainsi que je m'ex-
plique l’aspect tout particulier de la peinture en question, sans recourir à l’hypothèse
d’un émail opaque à base d’étain, ou bien d’une peinture à l’huile postérieurement
appliquée.
« Me résumant, je regarde le couvercle du tombeau de Henri IV de Silésie comme
une magnifique terre cuite, recouverte en partie par un vernis vitrifié opaque sans oxyde
de plomb, — qui n’est pas cependant non plus un émail à l’étain, — et en partie par
une peinture à froid d’une solidité et d’une conservation remarquables. Le couvercle
en question n’est pas en véritable faïence qui, renfermant toujours environ 20 pour
cent de chaux, est légère, poreuse, et présente une cassure terreuse, mais en argile
pure (plastique), blanche, réfractaire, et fortement cuite. Enfin le vernis vitrifié étant
opaque rentre, à mon avis, plutôt dans la catégorie des scories, si on ne veut pas le
considérer comme émail. Les scories, — par la présence d’une quantité notable d’argile
et d’oxydes métalliques à demi réduits, ainsi que par une fusion vitreuse incomplète,
surtout quand on n’v ajoute pas de l’oxyde de plomb comme fondant, due à la grande
résistance du mélange à faction du feu, — acquièrent ordinairement un certain degré
d’opacité joint à une dureté considérable, qui les rend très-résistantes. Aussi un vernis
pareil ne saurait-il convenir qu’à une argile très-réfractaire, supportant aisément une
cuisson forte et prolongée.
Quant à l'âge du monument, il est assez bien déterminé par la présence de Henri V,
duc de Silésie et successeur de Henri IV, parmi les personnages sculptés autour du
socle. Ce prince étant mort en 1296. le tombeau a dû être exécuté entre 1290 et 1296;
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en croix, entouré de la sainte Vierge et des disciples, du xme au xive siècle, prove-
nant de Cracovie, sculpté en albâtre blanc du pays, conservait encore des traces très-
visibles de couleurs qui adhéraient fortement à la pierre, qui avaient un lustre analogue à
celui d’une vieille peinture à l'huile, et qui ne se laissaient pas délayer par un lavage
prolongé. Cet enduit garantissait la pierre de l'influence de l’air, de façon que, dans
les endroits dépouillés par le temps de la couche de couleur, on pouvait encore suivre
la trace et les contours exacts des ornements, d’après la différence de conservation de
la superficie. Vous savez du reste, Monsieur, qu’une pareille observation faite sur les
monuments de la Grèce antique conduisit à la restitution d’une quantité de motifs
d’ornementation dont la trace s’est conservée ainsi sur la surface du marbre. Il me
paraît donc qu’il faut attribuer une grande part de l’éclat avec lequel les peintures
anciennes nous apparaissent quelquefois à la nature du fond autant qu’à la façon
dont les couleurs ont été préparées. Je pense qu’une pierre compacte, le marbre,
l’albâtre, ainsi qu’une terre cuite faite d’une argile plastique bien travaillée (comme
celle du tombeau de Breslau), influe beaucoup sur l’aspect luisant des peintures,
n’absorbant pas trop avidement l’humidité de la couche fraîchement posée, tandis
qu’une pierre poreuse (le grès par exemple, ou la faïence), séchant vite la couleur,
rend celle-ci moins solide et sans éclat. Je crois ensuite que les couleurs étant prépa-
rées avec la craie ou la chaux calcinée pour base, et des matières albumineuses, le
lait, le fromage frais, le blanc d’œuf, etc., la réaction chimique produit une
espèce de mastic hydrofuge, très-solide et luisant, ainsi que j’ai pu m’en convaincre
par des essais directs. Cet enduit, coloré suivant le besoin par un oxyde métallique
insensible à l’inffuence de la chaux, adhère à la surface des pierres calcaires par la
force de son affinité chimique, et à la terre cuite par la force mécanique d’une très-
faible porosité de l’argile compacte passée à un grand feu, et produit une pellicule
solide, luisante et colorée, inattaquable à l’air et à l’humidité. C’est ainsi que je m'ex-
plique l’aspect tout particulier de la peinture en question, sans recourir à l’hypothèse
d’un émail opaque à base d’étain, ou bien d’une peinture à l’huile postérieurement
appliquée.
« Me résumant, je regarde le couvercle du tombeau de Henri IV de Silésie comme
une magnifique terre cuite, recouverte en partie par un vernis vitrifié opaque sans oxyde
de plomb, — qui n’est pas cependant non plus un émail à l’étain, — et en partie par
une peinture à froid d’une solidité et d’une conservation remarquables. Le couvercle
en question n’est pas en véritable faïence qui, renfermant toujours environ 20 pour
cent de chaux, est légère, poreuse, et présente une cassure terreuse, mais en argile
pure (plastique), blanche, réfractaire, et fortement cuite. Enfin le vernis vitrifié étant
opaque rentre, à mon avis, plutôt dans la catégorie des scories, si on ne veut pas le
considérer comme émail. Les scories, — par la présence d’une quantité notable d’argile
et d’oxydes métalliques à demi réduits, ainsi que par une fusion vitreuse incomplète,
surtout quand on n’v ajoute pas de l’oxyde de plomb comme fondant, due à la grande
résistance du mélange à faction du feu, — acquièrent ordinairement un certain degré
d’opacité joint à une dureté considérable, qui les rend très-résistantes. Aussi un vernis
pareil ne saurait-il convenir qu’à une argile très-réfractaire, supportant aisément une
cuisson forte et prolongée.
Quant à l'âge du monument, il est assez bien déterminé par la présence de Henri V,
duc de Silésie et successeur de Henri IV, parmi les personnages sculptés autour du
socle. Ce prince étant mort en 1296. le tombeau a dû être exécuté entre 1290 et 1296;