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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 16.1877

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Nr. 3
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Havard, Henry: Carel Fabritius: l'état civil des maîtres hollandais
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https://doi.org/10.11588/diglit.21845#0296
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282

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

trouvaient dans son voisinage. Il nettoya ce recoin du tableau, enleva les retouches, et
la signature disparut avec eux.

Alors M. Lamme eut le bon esprit, avant de restituer la peinture dans le cadre d’où
on l’avait retirée pour cette opération, de l’examiner à fond du haut en bas et de droite
à gauche, et au sommet de la toile, dans un endroit jadis recouvert par la bordure, il
aperçut le nom de Fabritius. Cette fois, il se trouvait en face de la vraie signature,
authentique, indiscutable, car le nom était tracé dans l’épaisseur même de la pâte avec
la hampe du pinceau.

J’ai rappelé ces faits, bien qu’ils soient connus, parce que nous avons tous la mémoire
un peu courte en ces matières. Peu s’en fallut qu’on ne criât alors au miracle, ce qui
ne serait certes point arrivé si l’on s’était souvenu qu’en 1806 pareille surprise avait
déjà eu lieu. Cette année-là, en effet, les victoires de la France sur la Prusse avaient
amené à Paris un certain nombre de tableaux des galeries de Brunswick et de Cassel, et
dans le nombre il s’en trouvait un de Fabritius, représentant un Chasseur au repos
auprès d'une ruine, qui causa un étonnement tout aussi vif, car il était une véritable
révélation *.

Mais le plus curieux en tout ceci, c’est que cette découverte de M. Lamme, au lieu
d’éclaircir la biographie de Carel Fabritius, l’obscurcit au contraire, et peu s’en fallut
qu’elle ne lui coûtât l’existence, c’est-à-dire que le grand artiste ne fût rayé de la liste des
peintres hollandais. Pour cela, il suffit que M.Waagen se mit de la partie. Grâce à un
paragraphe deBleyswyck (Beschryvinge der Staadt Del fl), on connaissait la date exacte
de la mort de Carel et la date probable de sa naissance. Il fut tué le \ 2 octobre '1654, lors
de l’explosion de la poudrière à Delft, et son biographe, qui n’hésite point à le qualifier
de peintre éminent et exquis (Seer voortreflijlt en uitnemendKunstschilder), nous dit
qu’il avait alors environ trente ans. Il était donc né aux environs de 1624. Par Samuel
Van Iloogstraeten 1 2, dont il avait été l’ami, nous savions également qu’il avait fréquenté
l’école de Rembrandt, et son camarade d’atelier s’était même plu à nous raconter
certaines de leurs conversations frappées au coin d’une originalité distinguée et impré-
gnées d’un haut sens artistique. Enfin un témoin de sa mort, Arnold Bon,'lui avait
consacré une pièce de vers désolés où il le nommait « le plus grand artiste que Delft
et la Hollande connurent jamais ». Il semble que c’était plus qu’il n’en fallait pour
mettre son existence à l’abri de toute contestation. Eh bien, malgré cela, M. Waagen,
qui avait découvert un tableau de Bernard Fabritius au musée de Francfort, n’hésita
point à déclarer que selon lui « le prétendu Carel et Bernard sont un seul et même
peintre 3 ». En sorte que comme on trouve des tableaux de Bernard datés de 1657 et
1669, tous les récits de Bleyswyck et des autres sont relégués dans le domaine des
contes à dormir debout.

En vain le savant continuateur d’Immerzeel, M. Kramm, d’Utrecht, essaya-t-il d’éta-
blir qu’il y avait un grand nombre de Fabritius, quatre au moins. Rien n’y fit;
l’opinion du critique allemand prévalut et l’excellent Bürger, qui s’en était imprégné,
parlait avec un dédain non déguisé de ce Fabritius « qu’on a baptisé mal à propos
Carel et qui, suivant Immerzeel et autres biographes, avait sauté avec le magasin de

1. Voir le récit de Gault de Saint-Germain et aussi dans Fiorillo la description du Saint Pierre dans
la maison de Cornélius, catalogué au n° 305 du Musée Napoléon.

2. Inleiding tôt de Hoogeschool der Schildcrkunst.

3. Galerie Sucrmondt, à Aix-la-Chapelle, par M. Bürger, avec le catalogue de la collection, par le docteur
Waagen.
 
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