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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 1
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Chennevières-Pointel, Charles Philippe de: François Boucher par M. Paul Mantz
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0078
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72

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

gras, dessiné des raascarons rieurs, des ornements destinés à des archi-
tectures chimériques. Tout personnage un peu bien situé avait alors une
collection de porcelaines delà Chine et du Japon. Boucher possédait, lui
aussi, un choix précieux de céramiques orientales, et, comme l’usage
s’était établi de donner à ces vases ou à ces cornets un entourage de
cuivre doré, il a fourni aux fondeurs et aux ciseleurs des modèles pour
ces montures fastueuses. Pendant les vingt années que dura la souve-
raineté deMmede Pompadour, la fantaisie de Boucher règne dans la tapis-
serie, dans le costume, dans le meuble, dans le bronze des pendules ou
des candélabres, sur les panneaux des chaises à porteurs, sur la reliure
des livres; les éventaillistes lui demandent des inspirations, les bijoutiers
lui empruntent ses Amours voltigeant ou enlacés, et, longtemps après
qu’il aura disparu, les décorateurs dans l’embarras utiliseront encore ses
tourterelles. »

11 ne faut pas croire pour cela que Boucher doive s’imposer dans
notre estime comme le vrai grand génie de son siècle. Ce ne sont pas, en
effet, dans chaque période mémorable, les plus puissants et les plus
profonds artistes, les maîtres réellement créateurs, ceux qui sont des-
tinés à creuser le plus avant leur nom et leur sillon durable dans le
souvenir humain, ce ne sont pas toujours ceux-là qui, de leur vivant,
priment et trônent, et font accepter à leur temps, soit avec domination,
soit avec l’engouement de la mode, leur rayonnement et leur influence
universelle dans les choses de goût. Sans sortir de France, l’élégance du
Primatice au xvie siècle ne vaut pas celle de J. Goujon; Simon Vouet et
Lebrun ne valent pas Poussin et Lesueur; Boucher ne vaut pas Watteau
ni Chardin; et, dans l’admiration de l’avenir, David lui-même ne vaudra
peut-être pas Ingres ni Prudbon. C’est que, pour exercer cette sorte de
souveraineté extérieure, de principauté de l’art en un siècle, il faut une
certaine souplesse, une abondance variée et courante, quelque chose qui
ne soit pas hors de la portée et de la pénétration de la foule, une moyenne
accommodante et voyante, et sans subtilité ni recherche extrême, surtout
sans cette obstination parfois austère et rébarbative qui se rencontre
dans les plus convaincus, lesquels ont eu souvent à lutter longuement
et à imposer d’autorité la sévérité de leurs principes, et ne sont d’abord
acceptés que par une toute petite église d’amateurs.

Avec Boucher, Dieu merci, il n’est question ni d’autorité ni de sévé-
rité. Boucher est né peintre, c’est Mariette qui le dit, et cela se voit de
reste. Boucher est de ces êtres privilégiés qui se rappellent à peine com-
ment ils ont appris à dessiner et à peindre; c’est tout au plus s’il se
souvient qu’il a passé par l’atelier de Lemoyne, et pour un peu, malgré
 
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