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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Chennevières-Pointel, Charles Philippe de: François Boucher par M. Paul Mantz
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0090
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FRANÇOIS BOUCHER.

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ni Bouchardon qui tiennent; ces artistes « sévères et antiques », ces réfor-
mateurs, bien qu’encouragés par laPompadour, Louis XVI peut les récla-
mer, morts ou vivants ; mais Louis XV, c’est Boucher, et ni Voltaire, ni
Rousseau, ni les plus grands ni les plus bruyants ne donneront des
mœurs et du doux poudré et du voluptueux sans-souci de ce siècle une
aussi juste et aussi parfaite idée que le peintre dont M. Mantz a
raconté la vie.

Le livre est d’un style charmant : jamais Paul Mantz n’a usé d’une
plus belle langue, d’une phrase plus française, aux tours plus souples
et plus brillants. Comme il est maître écrivain, et qu’il a appris aux
bons endroits, il sait que l’éclat sied au xvin'' siècle, et il vous entraîne
d’un bout à l’autre de cette étude spéciale, aussi aisément que l’on
suivrait Diderot jusqu’au bout d’un de ses Salons. Et pourtant il faut que
je note ici une remarque qui m’obsède. Pareille à l’accompagnement
railleur de la sérénade de Don Juan, une gaie et douce ironie suit, de
la première à la dernière page, le développement de la vie triomphale
de Boucher. Ah ! Mantz, ah ! mon ami, ce n’est point de ce ton que, vers
1847, dans notre beau temps, vous auriez parlé de Boucher, du peintre
des grâces à fossettes, de l’artiste favori de la favorite ; Mantz, Mantz,
Raphaël et Léonard vous ont gâté; vous ne croyez plus assez à Boucher.
Les Goncourt., eux, y croient, et ils se délectent tout de bon dans l’air
qu’il a respiré. On sent chez eux plus de foi et plus d’amour vrai de la
manière de l’homme et de son entourage. C’est là une magie incontes-
table de plus dans leur analyse du peintre. J’ai bien cru, moi, à mes
chers artistes provinciaux, et je me sens assez de jeunesse pour croire
que j’y crois encore.Le charme, le pétillement que vous apportez dans
votre récit ou vos jugements, vous les empruntez à vous-même, mais
non plus à la tendre illusion qui s’exhale du personnage raconté. Comme
vous le dites, vous faites de l’histoire : vous la faites d’une justesse et
d’une justice, et d’une exactitude excellentes. Vous déclarez avec beau-
coup de raison que ces « maîtres qu’on est accoutumé de considérer
comme très frivoles ont droit à la curiosité de l’historien, puisqu’ils
ont été adorés », et, en vérité, mon ami, il faudrait n’être pas Français
pour ne pas, même aujourd’hui, adorer ces frivoles. Mais ne poussez pas
trop loin, de ce côté de l’art, la philosophie de l’histoire, et ne rappro-
chez pas trop [près du nom de François Boucher les noms de Montes-
quieu, de Voltaire et de Diderot ; car alors Boucher ne sera plus mon
toucher : je m’imaginerai que ces grands philosophes du xvui0 siècle,
qui ont adoré Boucher et les siens comme le Dante aimait Giotto, comme
1 Arioste aimait le Titien, comme Érasme aimait votre Ilolbein, comme
 
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