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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 2
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [11]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0199
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188

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

a dit qu’il se fallait assembler en lieu où il y eût une table. Lui ayant dit
qu’il y en avait une dans la salle d’où il sortait, il y est rentré, il m’a appelé
et ces autres messieurs. Ensuite, ayant mis des sièges, il s’est assis au bout de
la table, le Cavalier à sa droite, moi ensuite, les signori Paul et Matbie de
l’autre côté, mon frère, M. Madiot de part et d’autre. M. Perrault a dit tout
bas à M. Colbert que M. de la Motte était dans l’autre salle. 11 a fait la mine
et a branlé la tête, donnant à connaître qu’il ne désirait pas qu’il entrât.

Après, M. Perrault s’est mis à l’autre bout de la table avec du papier, une
plume et de l’encre; un moment après est venu l’abbé Butti, lequel a aussi
pris place devant le signor Paul. Après cela, M. Colbert a pris la parole et a
dit qu’il fallait voir et examiner, comme l’on ferait pour bien réussir dans un
ouvrage de si grande conséquence comme est le Louvre ; que le Cavalier ne
pouvant demeurer en France, pour avoir l’œil que ses dessins soient bien
exécutés, il avait choisi mon frère pour y suppléer, et qu’il se rendrait à l’ou-
vrage de fois à autre pour le soulagement du signor Matbie, comme lui M. Col-
bert prendrait plaisir lui-même de faire, s’il en pouvait avoir le temps; que
M. Madiot y serait avec assiduité, afin de voir que toutes les matières fussent
de la qualité qu’elles doivent être; qu’il fallait ensuite examiner de quelle
sorte l’on travaillerait.

Le Cavalier a dit que les ouvrages à la journée sont les meilleurs, que son
intérêt est que celui du Louvre soit bien fait, qu’autrement son dessin ne
pourrait pas avoir de succès. M. Colbert a reparti qu’il était vrai que le travail
à la journée est le meilleur, mais qu’il y a un grand embarras : qu’il y peut
avoir de grandes tromperies, à cause du peu de fidélité, et qu’on ne pouvait
faire de plan comme quand l’on travaille à la toise et qu’on fait marché. L’on
fut longtemps à agiter l’un et l’autre. Le Cavalier a repris et dit qu’à Rome l’on
était dans la même peine ; que quelques-uns faisaient marché, mais fournis-
saient toute la chaux. M. Colbert a reparti qu’il y pouvait avoir encore en cela
de la tromperie, de même que dans l’artillerie, où l’on charge un lieutenant
de faire partir 400 quintaux de poudre, et il n’en envoie pas la moitié ; que si
elle y était conduite entière, au moins la dispenserait-on1, mais comme il a dit
qu’on en retient la moitié, qu’il en peut arriver de même de cette chaux, et
ainsi qu’il fallait s’attacher à faire marché ; que si pourtant le Cavalier voulait
qu’on travaillât autrement, le Roi y consentirait. 11 a reparti que son intérêt
n’était que d’être assuré que l’ouvrage serait bien fait, que c’était pourquoi, ne
s’étant pas fié aux ouvriers d’ici, il en avait mandé d’Italie. L’on a discuté,
après, le mélange de la chaux et du sable, de la moitié ou d’un tiers, la qua-
lité de la chaux, celle du sable, la comparaison avec celle de Rome. M. Colber
a ajouté qu’il avait une telle passion que l’ouvrage du Louvre fût de la der-
nière perfection, que si le Cavalier disait qu’il ne peut se faire sans pouzzo-
lane, qu’il prendrait le parti d’en faire venir et d’envoyer tous les vaisseaux
du Roi en Italie pour cet effet, même en Égypte quérir de la pierre s’il était
nécessaire, et d’attendre plutôt six ans à commencer le Louvre, pour lequel le
Roi ne voulait épargner ni temps ni argent. Il a été enfin résolu de faire deux
murs pour épreuve : l’un bâti à la mode de Rome et l’autre à celle de France,

1. Dispenser, distribuer.
 
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