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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 5
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Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 6: peintre et écrivain
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0488
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EUGÈNE FROMENTIN.

A67

teurs qui savent goûter les qualités mères de la langue française, qui,
en gens du métier, jouissent de la mise en œuvre pour elle-même, ils
n’hésiteront point à ranger Un Été clans le Sahara parmi les bijoux les
plus rares de notre écrin littéraire. Pourquoi ne le dirais-je pas comme
je le pense? je tiens ce petit volume pour le chef-d’œuvre de la litté-
rature pittoresque. Lisez lentement, en curieux, en gourmet, en paysa-
giste, ces pages d’une netteté si parfaite, d’un coloris si éclatantet si juste
tout à la fois ; étudiez ces tableaux d’un contour si ferme, d’un dessin si
creusé ; puis, après avoir lu, fermez les yeux, et pensez à la note particu-
lière, vue en peintre, que l’écrivain a voulu rendre, et avouez en con-
science que rien dans le même genre n’a été écrit d’aussi étroitement
serré sur le vrai. Ainsi que le faisait très justement ressortir M. Émile
Montégut dans la Revue des Deux Mondes, de la première jusqu’à la
dernière ligne du Sahara, il est impossible de relever ni une expression
vague, ni une épithète faible, ni un mot abstrait. Pour la propriété et la
justesse des termes, ajoute celui-ci, Fromentin est sans égal. C’est, en
effet, sa grande originalité. Prenez un fragment du Sahara, par exemple
celui où le plein été des régions sahariennes apparaîtdans une sorte de vi-
sion éblouissante, où le soleil sans nuages luit d’une ardeur implacable
(juin, plein midi, 1853), comparez-le à telle page que vous voudrez des vo-
lumes de voyages de Théophile Gautier, bien pittoresques et bien étince-
lants de coloris cependant, et dites si l’art de Fromentin, art attentif et
net dont l’énergie d’observation s’est décuplée dans le métier de peintre,
ne l’emporte pas de beaucoup. A ce point de vue spécial, le talent de
Gautier, dont j’admire d’ailleurs autant que personne la sève, la flexibi-
lité, la richesse sonore et la merveilleuse imagination poétique, reste
très inférieur à celui de l’auteur du Sahara et du Sahel.

Les morceaux d’une venue irréprochable abondent dans ces deux
volumes. Il y en a plus et de plus saillants peut-être, de plus achevés
comme tableaux, dans le second; mais le Sahara conserve un prix plus
rare à mes yeux. Arrivé le premier, il a en quelque sorte plus de vivacité
d’impressions, plus de jeunesse, plus de naïveté et aussi plus d’unité.
Le Sahel, paru deux ans après, et comme engendré par le succès de son
aîné, est une œuvre plus voulue, plus soulignée. Les littérateurs la pré-
féreront, et George Sand avait pour elle une prédilection marquée; les
peintres tiendront pour le Sahara, et je suis avec eux.

Le Sahara, c’est Tété africain avec ses violences de lumière et de
couleur, ses calmes implacables, ses mornes accablements, ses rudesses
et ses poésies étranges; le Sahel, c’est l’Algérie riante et verdoyante, ce
sont les ciels changeants et vaporeux, les tons variés, les accidents de
 
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