Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:
Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 6: peintre et écrivain
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0489

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
468 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

lumière, les montagnes arcadiennes, les horizons enveloppés et fuyants.

Le Sahel est le journal d’un séjour d’une année fait à Alger et dans
ses environs, c’est-à-dire dans toute cette région privilégiée qui s’étend
en triangle entre la plaine de la Mitidja et la mer. La note tendre y vibre
plus souvent que dans le Sahara, l’émotion des choses douces y naît
avec une tranquillité heureuse dans la pénombre d’un demi-jour trans-
parent, les gammes fraîches et délicates s’y multiplient, et l’on y sent
comme un souffle printanier et jeune; toutes les nuances du coloris y
sont employées avec un art prodigieux. Dans le laisser aller apparent
du canevas, il y a une mise en scène savante; les récits, les tableaux,
les images, — ces images parlantes des choses dont Fromentin se sert
pour éveiller dans l’esprit de longues et délicieuses rêveries, — ces
mille riens de la vie contemplative qui, dans ces pays du soleil, ont tant
de charme, se déroulent, s’enchaînent, jaillissent en feux imprévus ou
s’éteignent dans un vague murmure et captivent l’attention sans jamais
la lasser. La monotonie même de certains aspects, le retour de certaines
pensées, la fréquence de certaines impressions deviennent un attrait
de plus. L’intérêt ne languit pas un instant; il aura même sur certaines
natures plus d’action que le roman le plus émouvant, par ce pouvoir
magique qu’a l’auteur de nous faire vivre, penser et voir avec lui. Il
n’y a pas jusqu’à cette étrange figure d’Ilaoua, réelle ou inventée, peu
importe, qui ne vienne heureusement relever ce livre de voyage d’un
léger et discret condiment romanesque. Elle fournit au pinceau de Fro-
mentin des motifs d’une grâce exquise ; elle traverse l’œuvre avec un
sourire d’enfant, de petit animal avide de caresses et de sucreries, et,
brusquement, sa mort tragique, dans l’étincellement d’une fantasia, la
revêt d’une noble et poétique mélancolie. Ces curieuses figures épiso-
diques de Yandell et du fumeur Nâman ne sont-elles pas frappées
comme des médailles? Il y a dans tout cela des qualités de composition
qui, mises en saillie par les éloges de juges autorisés comme George
Sand, ont certainement conduit Fromentin à écrire plus tard le roman
de Dominique. Car, et c’est là peut-être ce qu’il importe surtout de
faire ressortir, si le paysage est le fond de ses œuvres, l’homme n’y
fait jamais défaut ; bien mieux, il occupe constamment le premier plan.

Les deux volumes ont pour point de départ une suite de lettres
écrites surplace à M. Armand Dumesnil; je dis pour point de départ,
car, ainsi que Fromentin nous l’avoue lui-même dans la préface de la
troisième édition, ils ont été écrits à tête reposée et de souvenir, comme
ont été peints ses tableaux. Cette préface est très instructive à lire; elle
livre bien des secrets du métier littéraire de Fromentin. Elle définit à
 
Annotationen