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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 28.1883

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Nr. 1
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Jouin, Henry: Le Salon de 1883, [3], La sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24260#0069
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LA SCULPTURE AU SALON.

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Ceci, nous le savons tous pour l’avoir traduit au temps de notre jeu-
nesse, est écrit au VIe livre de YÉnéide. Était-ce l’épigraphe qu’il conve-
nait d’inscrire sur le socle du groupe de M. Tony Noël?Non,assurément;
car il ne s’agit pas du rameau d’or dans cette composition. Deux lutteurs
sont en scène. L’un est terrassé, l’autre, replié sur lui-même, est surpris
dans l’effort du combat. Il n’a pas eu le temps de se redresser. Son corps
nerveux et souple couvre celui de l'adversaire dont il a triomphé et pré-
vient la revanche du vaincu. Son œil rôdeur déjoue toute surprise. Son
bras tendu montre qu’il est prêt à l’attaque. La force est la caractéris-
tique de ce drame. Traduit en bronze, le groupe de M. Tony Noël pourra
prendre place dans un jardin public, mais il faudra biffer le vers de Vir-
gile inscrit dans la glaise à l’ébauchoir; rien ne justifie la présence de
cette citation, prétentieuse autant qu’énigmatique.

C’est à la poésie que M. Aizelin a demandé le type recueilli de la
jeune fille qui passe devant nous, les paupières baissées. Gœthe lui a
donné l’être dans la langue parlée. Ary Scheffer l’a transportée sur la
toile. M. Aizelin s’apprête à la sculpter dans le marbre. C’est bien là Mar-
guerite, qui plus tard doit dire à Faust :

Eh ! n’avez-vous pas vu que je baissais les yeux?

Il y a en effet dans le maintien de la jeune fille un certain trouble qui
la trahit. Une pensée l’agite, et le soin qu’elle apporte à sa démarche,
d’une dignité sereine, le calme qu’elle essaye de répandre sur ses traits
ont quelque chose de voulu. Ces nuances, que le poète rend aisément sai-
sissables par les mille détails du dialogue, le sculpteur est obligé de les
écrire dans le modelé du visage, dans un pli de vêtement, dans la grâce
légèrement apprêtée de l’œil ou des lèvres. M. Aizelin n’a rien omis de ce
qu’il devait dire.

Florian, que me veux-tu? N’est-il pas singulier que trois artistes se
soient inspirés, à la même heure, d’une même page du fabuliste? Si
encore la pente générale de l’esprit français inclinait, à l’heure actuelle,
vers les poètes enrubannés du dernier siècle, nous comprendr ions cette
coïncidence. Mais Dieu sait si on lit de nos jours Estelle et Némorin! Au
surplus, c’est un récit moins démodé que ne l’est l’histoire d’Estelle qui
a servi de thème à MM. Carlier, Michel et Turcan. Tous les trois ont
essayé de reproduire ce drame intime et populaire, tout parfumé d’amour
fraternel, Y Aveugle et le Paralytique. Problème difficile. Toute infirmité
physique est une dépression dont la cicatrice fait tache sur l’enveloppe
humaine. Un infirme n’est jamais beau, si ce n’est peut-être pour l’œil
 
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