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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Géricault (1791 f H82A), à peine libre de ses études scolaires, se pré-
senta chez Carie Vernet, le peintre équestre en renom. Sa jeune expé-
rience lui indiqua promptement que, sous le prétexte d’élégance, son
professeur n’aclmettait que la sécheresse cl’un seul modèle.
Le jeune Rouennais se sentait, par nature, disposé à reproduire un
type de vigueur, avec l’ampleur nécessaire aux violents efforts; c’est
ainsi que, dans de nombreuses esquisses, il traduisit le cheval de service
jusqu’à son voyage en Angleterre. Là, il apprit à allonger un peu les
formes et à les dessiner d’une façon moins exagérée, comme contours,
mais sans perdre ses qualités : c’est toujours un cheval animé, vaillant et
prêt à la lutte.
L’œuvre de Géricault a été d’une importance capitale, comme transi-
tion de la fantaisie de ses prédécesseurs à la réalité qu’on demande
aujourd’hui. La bibliothèque de l’École des Beaux-Arts possède une série
de dessins anatomiques sur la myologie du cheval qui témoignent, par
leur exactitude, de la persévérance des recherches de l’artiste.
En examinant ce travail on comprend la préoccupation de Géricault
disant : « Un artiste ne doit se livrer à ses inspirations que lorsque, par
des études sévères, par des travaux sérieux, il a acquis une grande con-
naissance de l’art, lorsque le dessin net et précis est passé, chez lui, à
l’état d’habitude... Un peintre devrait être assez sûr de lui-même pour
jeter sur la toile une figure correcte et pouvoir se passer de modèle pour
fixer un mouvement vrai, original, une expression sentie dont le modèle
n’est que la charge L »
Géricault voulait la science de l’école de David sans les poses et les
agencements conventionnels.
On a dit que cet artiste consciencieux possédait une telle habileté à
exprimer la nature avec exactitude et vérité, qu’en y regardant bien on
arriverait à retrouver l’effet du geste précédent et à deviner celui qui
devait suivre; c’est aller trop loin; pour le montrer, je prendrai pour
exemple la lithographie représentant un Marchand de chevaux conduisant
cinq vigoureuses bêtes de trait; l’intention est de les faire cheminer len-
tement sur un terrain accidenté. La position des membres ne répond ni
à l’action présente, ni à celle qui a dû précéder, ni à celle qui suivra;
l’animal le plus en vue est au trot, puisqu’il lève ensemble les membres
diagonalement opposés. Sur notre croquis du cheval qui fait face à
droite, nous avons tracé en points la place des membres, répondant à
l’attitude précédente et à celle qui suivra, les deux pieds du côté droit se
trouvant en l’air, le corps posera sur la hase latérale gauche.
1. Biographie de Géricault, par M. Ch. Clément.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Géricault (1791 f H82A), à peine libre de ses études scolaires, se pré-
senta chez Carie Vernet, le peintre équestre en renom. Sa jeune expé-
rience lui indiqua promptement que, sous le prétexte d’élégance, son
professeur n’aclmettait que la sécheresse cl’un seul modèle.
Le jeune Rouennais se sentait, par nature, disposé à reproduire un
type de vigueur, avec l’ampleur nécessaire aux violents efforts; c’est
ainsi que, dans de nombreuses esquisses, il traduisit le cheval de service
jusqu’à son voyage en Angleterre. Là, il apprit à allonger un peu les
formes et à les dessiner d’une façon moins exagérée, comme contours,
mais sans perdre ses qualités : c’est toujours un cheval animé, vaillant et
prêt à la lutte.
L’œuvre de Géricault a été d’une importance capitale, comme transi-
tion de la fantaisie de ses prédécesseurs à la réalité qu’on demande
aujourd’hui. La bibliothèque de l’École des Beaux-Arts possède une série
de dessins anatomiques sur la myologie du cheval qui témoignent, par
leur exactitude, de la persévérance des recherches de l’artiste.
En examinant ce travail on comprend la préoccupation de Géricault
disant : « Un artiste ne doit se livrer à ses inspirations que lorsque, par
des études sévères, par des travaux sérieux, il a acquis une grande con-
naissance de l’art, lorsque le dessin net et précis est passé, chez lui, à
l’état d’habitude... Un peintre devrait être assez sûr de lui-même pour
jeter sur la toile une figure correcte et pouvoir se passer de modèle pour
fixer un mouvement vrai, original, une expression sentie dont le modèle
n’est que la charge L »
Géricault voulait la science de l’école de David sans les poses et les
agencements conventionnels.
On a dit que cet artiste consciencieux possédait une telle habileté à
exprimer la nature avec exactitude et vérité, qu’en y regardant bien on
arriverait à retrouver l’effet du geste précédent et à deviner celui qui
devait suivre; c’est aller trop loin; pour le montrer, je prendrai pour
exemple la lithographie représentant un Marchand de chevaux conduisant
cinq vigoureuses bêtes de trait; l’intention est de les faire cheminer len-
tement sur un terrain accidenté. La position des membres ne répond ni
à l’action présente, ni à celle qui a dû précéder, ni à celle qui suivra;
l’animal le plus en vue est au trot, puisqu’il lève ensemble les membres
diagonalement opposés. Sur notre croquis du cheval qui fait face à
droite, nous avons tracé en points la place des membres, répondant à
l’attitude précédente et à celle qui suivra, les deux pieds du côté droit se
trouvant en l’air, le corps posera sur la hase latérale gauche.
1. Biographie de Géricault, par M. Ch. Clément.