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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
sède aujourd’hui, avec son amour de faire vrai, il eût certainement poussé
ses études jusqu’à la réussite du mouvement pittoresque absolument
juste.
Barye (1796 f 1875), l’éminent sculpteur de notre époque, fut un
réaliste, en prenant ce qualificatif dans sa haute expression ; il observait
sans relâche, mesurait, dessinait, toujours désireux de comparer et de
s’instruire. 11 sut trouver la note originale élevée dans la nature, l’attitude
noble et majestueuse répondant aux exigences des conditions plastiques.
Les dessous de ses animaux sont, pour ainsi dire, naturalisés, tant les
têtes osseuses, les attaches musculaires y sont justes.
Après une étude très serrée de la myologie des grands félins, Barye
en traduisit les formes essentielles ; il arriva au résumé énergique de leur
force et à la grandeur du calme dans le repos d’un animal vigoureux
ayant conscience de sa puissance. Ses tigres et ses lions vivent à l’état de
types de l’espèce.
On se rend bien compte de l’émoi qui a dû se produire quand l’artiste
exposa son grand lion des Tuileries, en 1833; c’était de la hardiesse de
vouloir remplacer par l’exactitude de la nature et l'aspect énergique au
repos, le poncif de lion gras en promenade, tenant du caniche avec sa
perruque frisée et ses yeux ronds, accepté en sculpture depuis les temps
antiques.
Je sais de bonne source, puisque je le tiens de lui-même, combien la
difficulté a été grande, pour Barye, lorsqu’il dut aborder la représentation
du cheval, dont les formes et les attitudes nous sont familières. Ici, avec
une facture musculaire plus raisonnée, il fallait distinguer des qualités de
race, et le mouvement devait traduire une allure constatée, car l’animal
s’animera dans un milieu connu, se tenant forcément dans une interpré-
tation plus limitée. Qu’il soit cheval du turf, de selle ou carrossier, sa vie
sera le résumé des qualités qui sont la caractéristique de ces différentes
catégories.
Les œuvres hippiques du laborieux sculpteur, sans faiblir au point de
vue de leur énergique composition, sont moins nettes dans les interpréta-
tions du mouvement calme, s’appliquant au cheval.
Nous trouvons la trace de la préoccupation des idées nouvelles qui
troublèrent l’artiste dans le bas-relief équestre de Napoléon 111 du grand
guichet du Carrousel ; ce fut une sorte de compromis avec l’allure régu-
lière du pas dont l’exécution sculpturale, manquant de franchise, nous
offrit l’œuvre la moins réussie du statuaire.
Personne, plus que Barye, ne mesura les os et les membres des ani-
maux pour en connaître mathématiquement la construction ; la preuve de
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
sède aujourd’hui, avec son amour de faire vrai, il eût certainement poussé
ses études jusqu’à la réussite du mouvement pittoresque absolument
juste.
Barye (1796 f 1875), l’éminent sculpteur de notre époque, fut un
réaliste, en prenant ce qualificatif dans sa haute expression ; il observait
sans relâche, mesurait, dessinait, toujours désireux de comparer et de
s’instruire. 11 sut trouver la note originale élevée dans la nature, l’attitude
noble et majestueuse répondant aux exigences des conditions plastiques.
Les dessous de ses animaux sont, pour ainsi dire, naturalisés, tant les
têtes osseuses, les attaches musculaires y sont justes.
Après une étude très serrée de la myologie des grands félins, Barye
en traduisit les formes essentielles ; il arriva au résumé énergique de leur
force et à la grandeur du calme dans le repos d’un animal vigoureux
ayant conscience de sa puissance. Ses tigres et ses lions vivent à l’état de
types de l’espèce.
On se rend bien compte de l’émoi qui a dû se produire quand l’artiste
exposa son grand lion des Tuileries, en 1833; c’était de la hardiesse de
vouloir remplacer par l’exactitude de la nature et l'aspect énergique au
repos, le poncif de lion gras en promenade, tenant du caniche avec sa
perruque frisée et ses yeux ronds, accepté en sculpture depuis les temps
antiques.
Je sais de bonne source, puisque je le tiens de lui-même, combien la
difficulté a été grande, pour Barye, lorsqu’il dut aborder la représentation
du cheval, dont les formes et les attitudes nous sont familières. Ici, avec
une facture musculaire plus raisonnée, il fallait distinguer des qualités de
race, et le mouvement devait traduire une allure constatée, car l’animal
s’animera dans un milieu connu, se tenant forcément dans une interpré-
tation plus limitée. Qu’il soit cheval du turf, de selle ou carrossier, sa vie
sera le résumé des qualités qui sont la caractéristique de ces différentes
catégories.
Les œuvres hippiques du laborieux sculpteur, sans faiblir au point de
vue de leur énergique composition, sont moins nettes dans les interpréta-
tions du mouvement calme, s’appliquant au cheval.
Nous trouvons la trace de la préoccupation des idées nouvelles qui
troublèrent l’artiste dans le bas-relief équestre de Napoléon 111 du grand
guichet du Carrousel ; ce fut une sorte de compromis avec l’allure régu-
lière du pas dont l’exécution sculpturale, manquant de franchise, nous
offrit l’œuvre la moins réussie du statuaire.
Personne, plus que Barye, ne mesura les os et les membres des ani-
maux pour en connaître mathématiquement la construction ; la preuve de