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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 4
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Michel, André: Exposition des dessins du siècle, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0341
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32 h

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

nement de son âme biblique. — Il s’est associé à leurs joies comme à
leur rude labeur; il est entré dans les chaumières, où les paysannes pré-
parent le repas et font bouillir les marmites, — dans les basses-cours où les
enfants essayent leur premier pas, où la ménagère étend son linge par un
beau soleil matinal ; et il s’est plu à noter la beauté rude de leurs sil-
houettes, à glorifier ces humbles, transfigurés par la toute-puissance de
son tendre génie et de sa sympathie. — Les séries de ses dessins et de
ses pastels sont comme les chants d’un auguste poème, à la fois humain
et religieux, intime et solennel. — C’est par là, n’en déplaise aux calli-
graphes qui l’ont tenu, sa vie durant, éloigné des récompenses et qui
déclarent publiquement qu’ils agiraient encore de même s’il revenait à
la vie, — c’est par là que Millet s’est élevé à la plus haute poésie et que
ses paysans hirsutes et sauvages, mais enveloppés de la grande mélan-
colie et de la divine harmonie de la nature fraternelle, nous parlent plus
éloquemment de l’idéal que les jolies poupées rustiques ou les marau-
deuses pommadées de tel ou tel esthéticien bien appris.

Ah ! l’idéal! que de sottises on a écrites, que de platitudes et de fa-
deurs on a commises en son nom! Mais Daumier lui-même, par sa haine
féroce de la laideur bourgeoise, des ventres de financiers, des masques
grimaçants de vanité bouffie qu’il a passé sa vie à railler superbement,
dans des exagérations puissantes, avec une ironie vengeresse, Daumier
lui-même témoigne d’un culte secret pour un idéal de beauté et de
noblesse en regard duquel l’étalage des vulgarités et des turpitudes
sociales lui semblait une insulte vivante, une incessante profanation.
11 y a moins d’ampleur dans les Gavarni exposés à côté de lui ; le fin, le
spirituel, le pénétrant Gavarni paraît un peu grêle, comparé au puissant
caricaturiste.

Il y a de l’idéal encore dans les lions de Barye, si beaux et si vrais
dans leurs attitudes sculpturales, si souples dans la précision de leur
construction anatomique, dont les simplifications voulues par l’artiste
accentuent la noblesse et mettent en évidence la grandeur, sans altérer
en rien la vérité technique...

Avec de tels artistes, les Millet, les Delacroix, les Rousseau, les Ba-
rye, on est en plein dans la grande tradition de l’art ; c’est par eux que
notre école française tiendra glorieusement sa place dans l’histoire; ils
ont aimé la nature et nous l’ont rendue enrichie, si l’on peut dire, de leur
propre substance, fécondée par la pénétration de leur âme vibrante. Cha-
cun d’eux a mis plus particulièrement en relief un des caractères de
l’infinie substance, et a puisé dans l’inépuisable réservoir des formes
et des couleurs, celles qui convenaient le mieux à l’expression de son
 
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