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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 3
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Fourcaud, Louis de: Exposition des oeuvres de Bastien-Lepage à l'hôtel de Chimay
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0280
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

terre et ne peut se passer de la voir. En ses dernières années, les
effets subtils du coucherdu soleil, du lever de la lune, de la transparence
et du mystère nocturnes, de la céleste floraison de l’aurore ont pour
lui un indicible attrait. Son suprême essai de peinture a été une
pochade de lever de lune sur la mer d’Alger. Vingt fois ce thème
touchant l’a tenté : le Soir au village. Tantôt c’est un treillis de nuages
argentés suspendu, par la nuit violette, au-dessus des blanches
maisons ; tantôt ce sont des lumières rougeâtres qui brillent de loin aux
fenêtres et des silhouettes humaines qui se glissent à travers l’ombre.
Arrêtez-vous devant cette grande ébauche des Bergers se rendant à
Bethléem, au lever du jour. C’est l’heure où le soleil levant effeuille
parmi les nuées mille et mille bouquets de roses. Bastien-Lepage ne
demande plus la poésie à des visions semi-littéraires; l’homme et la
nature lui suffisent et il se hâte de produire, et il accumule des
projets, et il rêve, et il observe, et il s’atteste toujours plus fort, plus
sûr et plus mûr. Nul ne pressent sa fin prochaine. Cependant, il est
condamné.

Je 11e reviens pas aujourd’hui sur ses grandes toiles fameuses, les
Foins, les Pommes de terre, le Mendiant, le Père Jacques, les Amou-
reux; il 11e reste plus rien à en dire. J’ai laissé de côté ses grands
portraits admirables : le Grancl-père, Mes parents, M. Hayem, le riche
négociant heureux de vivre, M. Wallon, l’ancien ministre, conciliant
et inquiet, Mme Godillot, souriante et fine sous ses rubans blancs et
noirs et ses clairs diamants; je n’ai même pas le loisir d’insister
sur ses inestimables petits portraits de la Communiante, à!Emile
Bastien-Lepage, de M. André Theuriet, de J/me Sarah Bernhardt et de
J/me Juliette Drouet, des plus serrés, des plus absolus sans contestequ’011
ait faits en France depuis Clouet et sur ces petits tableaux d’intérieur,
malheureusement inachevés, la Lessiveuse et la Paysanne enceinte,
où il montre toute la délicate bonhomie d’un Chardin... Mais
qu’importe? J’ai qualifié, dans mon premier article, les peintures les
plus significatives, à mon avis, de Bastien-Lepage et je viens
d’indiquer succinctement quelques traits de l’histoire de son esprit
jusqu’à sa belle et sereine simplification finale. Qu’on aille maintenant
à l’hôtel de Chimay : 011 y verra s’affirmer le franc dessinateur,
volontaire, tenace, sagace, puissant; le peintre sincère et personnel,
dédaigneux des procédés vulgaires, plein de mépris pour les vains
feux d’artifice de convention ; le maître, à la fois doux et rude,
Français de pied en cap, moderne du corps à l’âme, étranger à toutes
les routines. Il nous a légué des chefs-d’œuvre authentiques et
 
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