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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 6
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Gonse, Louis: Exposition d'Adolphe Menzel à Paris, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0540
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EXPOSITION D’ADOLPHE MENZEL.

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aussi étroit, à moins de le traiter avec la sécheresse précieuse d’un
miniaturiste. Au lieu d’un tableau clairement ordonné, où le regard
pénètre aisément, c’est un pêle-mêle de petites figures fouettées,
hachées sous les coups d’un pinceau, assurément plein de certitude,
mais d’une âpreté et d’une liberté sans frein. Cette contradiction
fait naître chez le spectateur deux sensations inconciliables : le
besoin de s’approcher pour lire les détails de cette scène enfiévrée de
mouvement et une sorte d’impulsion instinctive à s’éloigner, pour
achever par la distance ce que l’exécution de chaque figure a de trop
grossoyé. Quant à la couleur, malgré ou peut-être à cause de tous ces
visages uniformément passés au jus de réglisse, elle n’a rien
d’italien; les valeurs manquent de nuances et de transition. On
voudrait dans cette atmosphère plus de transparence et d’unité, dans
cette lumière plus de calme et de véritable éclat. Le peintre a cherché
le plein air et même le plein soleil : son pinceau ne l’a pas rencontré.
Il faut une longue attention, une contention pénible pour péné-
trer dans cette toile où l’on étouffe. C’est dommage, en vérité; car
l’artiste y a multiplié les traits d’humanité, les détails où le senti-
ment de la vie s’épanouit en jets imprévus, les trouvailles de gestes
et de physionomies. Chose curieuse, la photographie du tableau est
plus lisible que le tableau lui-même; ramené aux effets de blanc et
de noir, le Marché de Vérone prend une signification qu’il était dif-
ficile de découvrir dans la peinture.

M. Menzel est plus grand dessinateur que grand peintre; le jeu
des colorations gaies, des nuances délicates, des caressantes et
savantes harmonies, lui échappe; la beauté du ton cherchée pour
elle-même lui est indifférente : il est de son pays et de sa race tout
entier. Son imagination positive ne s’égare point en chemin à la
poursuite des raffinements de la touche ; armée d’un crayon, comme
d’un scalpel, sa main va droit au but, fouillant l’âme, le cœur,
l’épiderme de ses modèles, qu’il saisit dans l’éternelle comédie de la
vie. C’est dans le dessin, et j’aurai l’occasion de le répéter, c’est dans
l’accent du coup de crayon que M. Menzel se montre artiste incom-
parable, presque unique dans notre temps. Rarement, au contraire,
sauf peut-être dans le tableau de la Forge, son chef-d’œuvre, il a
fait preuve d’une maîtrise impeccable, d’une discipline de pinceau
sachant s’accommoder des nécessités de la lumière ambiante.

C'est peut-être à l’extrême simplicité de ses colorations que la
Forge doit d’être une œuvre d’une beauté à peu près accomplie. Des
noirs profonds, des gris transparents, quelques lueurs incan-
 
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