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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 37.1888

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Nr. 1
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Hymans, Henri: Quentin Matsys, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24191#0012
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

qui en ont fait leur profit, avant que le scepticisme du jour vînt
déclarer sans valeur le pictorem me fecit amor, avec tout le surplus de
la traditionnelle histoire du maître. Tout, jusques et y compris la
charmante fontaine du Marché aux Gants, sur laquelle s’ouvre le
grand portail de Notre-Dame d’Anvers !

Prenons le catalogue du Musée, il nous dira, sans plus de façons,
qu’aucune des versions plus ou moins poétiques sur le changement
de profession de Quentin ne mérite d’être acceptée pour véritable.

Nous n’irons pas en appel contre ce verdict. Au point de vue de
l’art, qu’importent, en somme, les légendes ? Reconnaissons pour-
tant qu’il est désagréable de devoir récuser la valeur des sources
anciennes, de se laisser dire que trente ans après la mort d’un homme,
décédé en 1530, on n’en savait pas plus long à son endroit que de nos
jours. Mieux encore, qu'on en savait moins long, car c’est bien ainsi
que l’entend la science contemporaine.

Il n’est point douteux, pour ce qui concerne Yan Mander, que de
son temps la tradition première — celle qui attribuait à l’amour seul,
le changement de profession de Quentin — avait grandement perdu
de son autorité. A sa place, le minutieux investigateur nous apporte une
nouvelle et charmante version, la même que Conscience a si heureu-
sement utilisée. A l’en croire, ce fut pendant une grave maladie, en
coloriant des images, que le batteur de fer sentit se révéler sa voca-
tion d’artiste. L’histoire est peut-être inventée, elle a du moins pour
elle le mérite de la vraisemblance. Colorier des images était, au
xve siècle, une vraie profession et certains artistes y excellèrent, à en
juger par les spécimens qui sont presque des miniatures et que con-
servent les bibliothèques.

Reste une dernière légende, éditée d’abord par Fickaert, en 1648,
et reprise, après dix ans, par un peintre-restaurateur obscur,
Alexandre van Fornenbergh. Celle-ci, pour absurde qu’elle soit, n’en
est pas moins restée populaire au pays flamand. Matsys aurait révélé
son savoir artistique en peignant, sur un tableau, fraîchement
terminé parle père d’une fille qu’il recherchait en mariage, et qui vou-
lait un peintre pour gendre, une mouche si admirablement imitée,
que le vieillard la prit pour réelle et tint pour pleinement suffisante
la preuve de talent fournie par le jeune homme. Sur la foi de ce conte,
on va, de génération en génération, se montrant, au Musée d’Anvers,
la gigantesque abeille posée sur la cuisse d’un des monstres infernaux
de la Chute des Anges de Frans Floris. « La mouche de Quentin
Matsys », dit-on aux crédules touristes.
 
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