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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 2.1889

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Nr. 1
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Lostalot, Alfred de; Hamel, Maurice: Salon de 1889, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24446#0029

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

but avec une rectitude de sens, une simplicité de cœur, une netteté
d’esprit merveilleuses. Aide-toi, le ciel t’aidera, c’est toute sa devise
à l’heure du combat. Frémiet avait bien mis en évidence ce trait qui
la fait si Française; il avait pris un parti clair et décisif en ce pro-
blème fort complexe; il risquerait d’engoncer sa pensée par des
surcharges.

Si l’on y pense un peu, il n’est peut-être pas de sujet plus
dangereux même à des talents éprouvés. Un accent forcé, de vigueur
excessive, dépare la douceur féminine de la pastoure pitoyable au
milieu des armes, un trait de sensiblerie conviendrait mal à la fierté
de l’action. Le romanesque fausserait tout, et la précision classique
nous semble sèche au prix du sentiment : la distinction même et le
raffinement d’esprit peut être un écueil. Comme jamais héroïsme plus
familier, plus simple et plus accueillant ne servit l’idéal avec une
bonhomie plus populaire, il faut, pour le saisir, une intuition du
cœur et le sens profond du génie national en sa pure essence, tout
uni et souriant dans la grandeur.

Il n’était pas à craindre que Paul Dubois mêlât de l’emphase et
de la rhétorique à ce sujet qui moins que tout autre en comporte.
Son talent contenu et ramassé, très soucieux d’expression morale,
enferme l’idée dans une forme serrée, et risque plutôt de rester en
deçà de l’effet que de se perdre en redondance. Mais on peut se
demander si l’élégance florentine et la correction sanglée d’un art
savant répondent pleinement aux exigences du sentiment populaire
en cette donnée si expressément française. C’est une simple réserve.
Les Rémois en jugeront et leur ville s’enrichira d’un monument très
significatif auquel le bronze donnera toute sa valeur. Droite sous
l’armure, haussée sur les étriers, Jeanne d’Arc s’avance en chef de
guerre, en guide inspiré, l’épée haute, les yeux au ciel. La silhouette
générale est fière, avec l’imprévu de ce geste anguleux qui commande
tandis que le regard invoque. De face un peu à droite le mouvement
est irrésistible. Le cheval dont les profils tendus présentent quelque
sécheresse, a dans l’inflexion de l’encolure quelque chose d’ardent
et de refréné, comme une calme puissance d’offensive et de pénétra-
tion : cela entre et fait brèche dans des rangs ennemis. Guerrière
et religieuse, l’œuvre évoque donc éloquemment à l’esprit en son
double caractère, la preneuse de bastilles anglaises et la vierge
attentive à ses voix; œuvre de réflexion, de volonté forte et subtile,
œuvre distinguée, je dirais volontiers trop distinguée. La tête est
élégante et menue sous le casque, l’expression bridée et comme
 
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