EXPOSITION RETROSPECTIVE DES DESSINS.
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comprendre, les beaux dessins de toutes les époques ayant en réalité
mêmes principes et mêmes causes d’admiration. Les amateurs de
modernes doivent au fond avoir les torts, et ne peuvent arguer pour
leur défense que du loisir et de l’étude spéciale qui leur seraient
nécessaires pour approfondir la manière de tant de maîtres différents
en tant d’écoles diverses. Autrement vous ne me ferez pas croire que
des gourmets aussi délicats que MM. Marcille, Giacomelli, Cain, Che-
ramy, le comte Greffulhe, Barbedienne, Tabourier, Edmond de Roths-
child, Charles Ephrussi, Rouart, Gosselin, Sédille, Robaut, et autres
prêteurs des dessins de notre exposition, ne pourraient pas, chez
eux-mêmes, se pourlécher, avec autant de délices, d’une belle feuille
de Raphaël et de Michel-Ange, de Rubens ou de Rembrandt que d’un
Barye, d’un Daumier, d’un Corot ou d’un Rousseau. M. de la Salle
trouvait bien moyen, lui, de rapporter dans son cabinet pour les
mêler aux plus beaux dessins des écoles anciennes, un Prud'hon et
un Ingres, un Gérard et un Girodet, un Géricault et un Delacroix,
un Charlet et un Pils, un Léopold Robert et un Decamps, un Gavarni
et un Raffet. Voilà ce que j’appelle un amateur, et je ne connais que
Bonnat qui, par goût et par logique, ait suivi un si parfait modèle.
Les organisateurs zélés de l’Exposition rétrospective des dessins,
auxquels incombait la tâche difficile et fatigante de faire sortir des
collections privées les échantillons des talents du plus grand nombre
d’artistes de notre siècle, MM. Roger Marx et Dayot, ont pensé que
la date de 1789 trempait encore dans l’autre siècle, et qu’il leur suffi-
sait de constater que Greuze et Fragonard, Clodion, Boissieu et Les-
pinasse, Hubert-Robert et Moreau le jeune avaient prolongé leur vie
et quelques-uns de leurs travaux par delà 1800, pour mériter de
figurer dans la galerie de notre centenaire. Ils ont prétexté du por-
trait de Premier Consul, l’une des curiosités du Musée de Versailles,
pour nous montrer deux fort bons dessins de Greuze : le Paralytique
servi par ses enfants et la Marchande de marrons ; et de Y Arrivée de
Pie VII à Lyon, pour emprunter à Bonnat le Joueur de vielle de
Boissieu. Cette intrusion un peu marquée peut-être, mais qui n’est
pas sans excuse, de tous les galants fantômes survivants au xvme siè-
cle, à côté des hommes à mine sévère qui vont ouvrir la porte de notre
école moderne, nous est une brève leçon d’histoire, mais à laquelle il
ne faudrait pas trop nous arrêter, si ce n’est pour nous rappeler en
deux mots où nous en étions restés à l’Exposition de 1879, à la suite
du charmant plaidoyer de la collection de Goncourt en faveur de ses
artistes préférés, et par quel brusque élan nous avions été transportés
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comprendre, les beaux dessins de toutes les époques ayant en réalité
mêmes principes et mêmes causes d’admiration. Les amateurs de
modernes doivent au fond avoir les torts, et ne peuvent arguer pour
leur défense que du loisir et de l’étude spéciale qui leur seraient
nécessaires pour approfondir la manière de tant de maîtres différents
en tant d’écoles diverses. Autrement vous ne me ferez pas croire que
des gourmets aussi délicats que MM. Marcille, Giacomelli, Cain, Che-
ramy, le comte Greffulhe, Barbedienne, Tabourier, Edmond de Roths-
child, Charles Ephrussi, Rouart, Gosselin, Sédille, Robaut, et autres
prêteurs des dessins de notre exposition, ne pourraient pas, chez
eux-mêmes, se pourlécher, avec autant de délices, d’une belle feuille
de Raphaël et de Michel-Ange, de Rubens ou de Rembrandt que d’un
Barye, d’un Daumier, d’un Corot ou d’un Rousseau. M. de la Salle
trouvait bien moyen, lui, de rapporter dans son cabinet pour les
mêler aux plus beaux dessins des écoles anciennes, un Prud'hon et
un Ingres, un Gérard et un Girodet, un Géricault et un Delacroix,
un Charlet et un Pils, un Léopold Robert et un Decamps, un Gavarni
et un Raffet. Voilà ce que j’appelle un amateur, et je ne connais que
Bonnat qui, par goût et par logique, ait suivi un si parfait modèle.
Les organisateurs zélés de l’Exposition rétrospective des dessins,
auxquels incombait la tâche difficile et fatigante de faire sortir des
collections privées les échantillons des talents du plus grand nombre
d’artistes de notre siècle, MM. Roger Marx et Dayot, ont pensé que
la date de 1789 trempait encore dans l’autre siècle, et qu’il leur suffi-
sait de constater que Greuze et Fragonard, Clodion, Boissieu et Les-
pinasse, Hubert-Robert et Moreau le jeune avaient prolongé leur vie
et quelques-uns de leurs travaux par delà 1800, pour mériter de
figurer dans la galerie de notre centenaire. Ils ont prétexté du por-
trait de Premier Consul, l’une des curiosités du Musée de Versailles,
pour nous montrer deux fort bons dessins de Greuze : le Paralytique
servi par ses enfants et la Marchande de marrons ; et de Y Arrivée de
Pie VII à Lyon, pour emprunter à Bonnat le Joueur de vielle de
Boissieu. Cette intrusion un peu marquée peut-être, mais qui n’est
pas sans excuse, de tous les galants fantômes survivants au xvme siè-
cle, à côté des hommes à mine sévère qui vont ouvrir la porte de notre
école moderne, nous est une brève leçon d’histoire, mais à laquelle il
ne faudrait pas trop nous arrêter, si ce n’est pour nous rappeler en
deux mots où nous en étions restés à l’Exposition de 1879, à la suite
du charmant plaidoyer de la collection de Goncourt en faveur de ses
artistes préférés, et par quel brusque élan nous avions été transportés