EXPOSITION UNIVERSELLE : LA SCULPTURE.
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Winckelmann et du cheval de Marc-Aurèle, convenait pourtant
qu’on pouvait, après tout, se permettre sur quelques détails une dis-
crète contradiction.
Un autre placera Falconnet « au nombre des artistes de son siècle
qui eussent mieux valu dans un temps meilleur. Cinquante ans plus
tard, il eût étudié l’antique à Rome ou même à Paris... »
Bientôt on 11e gardera plus la même mesure en parlant des
maîtres du xvme siècle : dès que la Révolution aura passé par là. ils
seront tous frappés d’excommunication majeure. Le paysagiste Valen-
ciennes, dans la préface de son Traité de perspective, flétrit comme il con-
vient « l’extravagance » des sculpteurs « contemporains du trop
fameux Bouclier ». « Tout le monde a vu, comme nous, à quel point de
décadence était tombée la sculpture vers le milieu du xvme siècle. »
Notez qu’il écrivait en 1796... mais à cette date, le xvme siècle,
c’est déjà l’histoire ancienne, le vieux monde de ténèbres, d’igno-
rance et de superstition, d’universelle corruption surtout! on esta
l’aurore des temps nouveaux, en l’an Y du monde régénéré!...
Quelques années plus tard, quand les bustes, les merveilleux
bustes de la Comédie-Française sont remis sur leur socle au foyer du
théâtre, la critique du Journal de l'Empire consacre un article à cette
« collection assez curieuse, tous ayant été exécutés dans le même
temps à une époque que l’on peut regarder comme celle de la plus
grande décadence du goût ». — Ils datent, comme on sait, de 1771
(Du Belloy par Caffieri) à 1787 (J.-B. Rousseau, parle même Caffieri ) ;
mais alors, on englobe tout le passé dans la même malédiction... On
sent très bien, à lire les esthéticiens et les critiques du temps qu’ils
s’appellent Boutard ou Quatremère de Quincy, qu’un buste ne saurait
être beau à leurs yeux qu’à la condition de rappeler le profil d’An-
tinoiis ou de l’Apollon du Belvédère. Bien qu’ils conservent quelques
égards pour Houdon, encore vivant, et que son Molière soit déclaré
une belle œuvre, ils ne peuvent pourtant dissimuler qu’il « affecte de
négliger tout ce qui tient à l’idéal et aux règles convenues de la sta-
tuaire ». Ils parlent avec un superbe dédain de « ce grand mérite de
pétrir et modeler le marbre » et de ces sortes de « figures chiffonnées »
qui sont « ce qu’il y a déplus opposé à la beauté ».
La beauté! on en a désormais la formule, la science complète, la
recette infaillible! « Les traits d’un beau visage sont simples, étendus
et aussi peu multipliés qu’il est possible. Une figure où le trait qui
descend du front à l’extrémité du nez, l’arc du sourcil et ceux décrits
par les paupières, sont rompus, a moins de beauté que la figure dans
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Winckelmann et du cheval de Marc-Aurèle, convenait pourtant
qu’on pouvait, après tout, se permettre sur quelques détails une dis-
crète contradiction.
Un autre placera Falconnet « au nombre des artistes de son siècle
qui eussent mieux valu dans un temps meilleur. Cinquante ans plus
tard, il eût étudié l’antique à Rome ou même à Paris... »
Bientôt on 11e gardera plus la même mesure en parlant des
maîtres du xvme siècle : dès que la Révolution aura passé par là. ils
seront tous frappés d’excommunication majeure. Le paysagiste Valen-
ciennes, dans la préface de son Traité de perspective, flétrit comme il con-
vient « l’extravagance » des sculpteurs « contemporains du trop
fameux Bouclier ». « Tout le monde a vu, comme nous, à quel point de
décadence était tombée la sculpture vers le milieu du xvme siècle. »
Notez qu’il écrivait en 1796... mais à cette date, le xvme siècle,
c’est déjà l’histoire ancienne, le vieux monde de ténèbres, d’igno-
rance et de superstition, d’universelle corruption surtout! on esta
l’aurore des temps nouveaux, en l’an Y du monde régénéré!...
Quelques années plus tard, quand les bustes, les merveilleux
bustes de la Comédie-Française sont remis sur leur socle au foyer du
théâtre, la critique du Journal de l'Empire consacre un article à cette
« collection assez curieuse, tous ayant été exécutés dans le même
temps à une époque que l’on peut regarder comme celle de la plus
grande décadence du goût ». — Ils datent, comme on sait, de 1771
(Du Belloy par Caffieri) à 1787 (J.-B. Rousseau, parle même Caffieri ) ;
mais alors, on englobe tout le passé dans la même malédiction... On
sent très bien, à lire les esthéticiens et les critiques du temps qu’ils
s’appellent Boutard ou Quatremère de Quincy, qu’un buste ne saurait
être beau à leurs yeux qu’à la condition de rappeler le profil d’An-
tinoiis ou de l’Apollon du Belvédère. Bien qu’ils conservent quelques
égards pour Houdon, encore vivant, et que son Molière soit déclaré
une belle œuvre, ils ne peuvent pourtant dissimuler qu’il « affecte de
négliger tout ce qui tient à l’idéal et aux règles convenues de la sta-
tuaire ». Ils parlent avec un superbe dédain de « ce grand mérite de
pétrir et modeler le marbre » et de ces sortes de « figures chiffonnées »
qui sont « ce qu’il y a déplus opposé à la beauté ».
La beauté! on en a désormais la formule, la science complète, la
recette infaillible! « Les traits d’un beau visage sont simples, étendus
et aussi peu multipliés qu’il est possible. Une figure où le trait qui
descend du front à l’extrémité du nez, l’arc du sourcil et ceux décrits
par les paupières, sont rompus, a moins de beauté que la figure dans