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GAZETTE UES BEAUX-ARTS.
gnon tel joli cabinet, d’une construction parfaite, élégant de forme,
enrichi de colonnettes, de bas-reliefs de bronze, et de frises en marque-
terie. Tout auprès chez M. Blanqui, de Marseille, on remarque égale-
ment un cabinet du même genre, ainsi qu’une petite armoire à deux
corps, englobée dans une sorte de portique, et dont le soubassement est
porté par des sphinx d’un grand caractère. Ce meuble monumental
dans lequel on reconnaît l’inspiration deM. Sédille, l’éminent archi-
tecte, peut bien être critiqué sur quelques points. On peut lui reprocher
d’être un peu trop monumental peut-être, et plus majestueux qu’utile,
mais on ne peut en méconnaître la grande et hère allure et surtout
l’exécution magistrale. M. Louveau a également envoyé un petit
meuble marqueté d’une fabrication extrêmement soignée; et dans
l’exposition de M. Drapier se trouvent de petits cabinets Renaissance
d’une parfaite tenue. Je n’oserais prétendre que tous ces beaux ou-
vrages soient supérieurs à la superbe armoire que M. Fourdinois fils
exposait en 1867. Mais je tiens à constater que ce qui passait alors
pour un chef-d’œuvre unique est devenu, depuis lors, un article
presque courant.
Ce n’est point du reste faire assez que de remonter à vingt-deux
ans en arrière pour se rendre compte de l’effort produit et du progrès
accompli. 11 faut se reporter au temps lointain du roi Louis-Philippe,
et se souvenir de ce qu’était alors le mobilier de nos pères. Le règne
de l’acajou plaqué achevait de briller de toute sa splendeur; celui du
palissandre était à son aurore. Le noyer détrôné, ne trouvant plus
d’emploi que sous forme de placage, était relégué dans les mobiliers
de campagne. Le nom du bois employé parlait seul à l’esprit et la
valeur des façons était absolument ignorée. C’est alors que quelques
hommes d’intelligence et de goût s’ingénièrent à rendre à nos essences
indigènes une partie de leur faveur passée, et s’efforcèrent de remettre
en honneur le chêne, le noyer et le poirier noirci. Les frères Grolié,
Sauvresy, Fourdinois père, s’inspirant des armoires à niches, à fines
colonnettes et à frontons, que la Cour des Xralois appréciait si fort, et de
ces tables aux volutes majestueuses que dessina Androuet du Cerceau,
enfantèrent toute une suite de meubles élégants, sveltes, gracieux,
mais de pure décoration, ornés de pilastres et de bas-reliefs rappelant
l’Ecole de Fontainebleau. Puis des meubles de décoration on passa
peu à peu aux meubles de service et c’est de là que, vingt ans plus
tard, devaient sortir cette profusion de salles à manger Henri II,
de cabinets et de chambres Renaissance où tout n’est pas parfait
assurément, mais dont la restitution plus ou moins inexacte constitue
GAZETTE UES BEAUX-ARTS.
gnon tel joli cabinet, d’une construction parfaite, élégant de forme,
enrichi de colonnettes, de bas-reliefs de bronze, et de frises en marque-
terie. Tout auprès chez M. Blanqui, de Marseille, on remarque égale-
ment un cabinet du même genre, ainsi qu’une petite armoire à deux
corps, englobée dans une sorte de portique, et dont le soubassement est
porté par des sphinx d’un grand caractère. Ce meuble monumental
dans lequel on reconnaît l’inspiration deM. Sédille, l’éminent archi-
tecte, peut bien être critiqué sur quelques points. On peut lui reprocher
d’être un peu trop monumental peut-être, et plus majestueux qu’utile,
mais on ne peut en méconnaître la grande et hère allure et surtout
l’exécution magistrale. M. Louveau a également envoyé un petit
meuble marqueté d’une fabrication extrêmement soignée; et dans
l’exposition de M. Drapier se trouvent de petits cabinets Renaissance
d’une parfaite tenue. Je n’oserais prétendre que tous ces beaux ou-
vrages soient supérieurs à la superbe armoire que M. Fourdinois fils
exposait en 1867. Mais je tiens à constater que ce qui passait alors
pour un chef-d’œuvre unique est devenu, depuis lors, un article
presque courant.
Ce n’est point du reste faire assez que de remonter à vingt-deux
ans en arrière pour se rendre compte de l’effort produit et du progrès
accompli. 11 faut se reporter au temps lointain du roi Louis-Philippe,
et se souvenir de ce qu’était alors le mobilier de nos pères. Le règne
de l’acajou plaqué achevait de briller de toute sa splendeur; celui du
palissandre était à son aurore. Le noyer détrôné, ne trouvant plus
d’emploi que sous forme de placage, était relégué dans les mobiliers
de campagne. Le nom du bois employé parlait seul à l’esprit et la
valeur des façons était absolument ignorée. C’est alors que quelques
hommes d’intelligence et de goût s’ingénièrent à rendre à nos essences
indigènes une partie de leur faveur passée, et s’efforcèrent de remettre
en honneur le chêne, le noyer et le poirier noirci. Les frères Grolié,
Sauvresy, Fourdinois père, s’inspirant des armoires à niches, à fines
colonnettes et à frontons, que la Cour des Xralois appréciait si fort, et de
ces tables aux volutes majestueuses que dessina Androuet du Cerceau,
enfantèrent toute une suite de meubles élégants, sveltes, gracieux,
mais de pure décoration, ornés de pilastres et de bas-reliefs rappelant
l’Ecole de Fontainebleau. Puis des meubles de décoration on passa
peu à peu aux meubles de service et c’est de là que, vingt ans plus
tard, devaient sortir cette profusion de salles à manger Henri II,
de cabinets et de chambres Renaissance où tout n’est pas parfait
assurément, mais dont la restitution plus ou moins inexacte constitue