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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 2.1889

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Nr. 6
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 5
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https://doi.org/10.11588/diglit.24446#0653

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

hauts et plus précis exemples de statuaire iconique du xixe siècle :
à savoir, les statues de Monge, à Beaune, du maréchal Ney, à Paris,
et du maréchal Bertrand, à Châteauroux. Mais que d’années il faut au
plus personnel artiste pour sortir des limbes des préjugés ambiants!
Que de scrupules traversent ses velléités avant qu’elles se tournent
en résolution ! On ne fait jamais avancer son temps que malgré lui
et par de longs tâtonnements couronnés de tenaces héroïsmes...

Une conversation que j’eus autrefois avec le sculpteur Lemaire,
mort depuis cinq ou six ans, et qui fut du groupe des tailleurs
d’images de l’Arc de triomphe, indiquera mieux que tout document
l’esprit qui les animait. « Nous n’allions jamais au chantier de
l’Etoile, désert alors, presque oublié, sans entrer dans le hangar de
l’Epure où étaient exposés les bas-reliefs de l’Arc de Titus. Nous
nous y rencontrions souvent, Feuchères, Cortot, Foyatier, Marochetti,
Rude et moi et nous nous arrêtions longtemps à causer des chefs-
d’œuvre de l’antiquité, des bas-reliefs d’Athènes, du défilé militaire
de la colonne Trajane... Chacun avait son mot qui le peignait ; Cortot
en revenait toujours à ceci : « La sculpture est un art grave. » Rude
s’écriait : « Ces Anciens, quels hommes!... » et Marochetti, Italien,
subtil, emporté, plein de formules bizarres, concluait ainsi : « Il
faudrait faire de la sculpture moderne qui fût antique... » Insensi-
blement, on parlait des grands faits commémorés dans l’Arc triom-
phal. On évoquait les noms de 92, la Révolution, l’Empire... Ah!
l’Empire surtout. Un jour, Pradier, qui ne venait que rarement parmi
nous, eut cette réflexion : « L’Empereur a eu de la grandeur, beau-
coup de grandeur, mais sans grâce. » Rude, auquel cet artiste trop
gracieux était en horreur, serra les poings et Marochetti riposta :
« Ne touchez pas à l’Empereur, Monsieur Pradier, c’est un Ancien ».

L. DE FOURCAUD.

(La suite prochainement.)
 
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