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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Pottier, Edmond: Les Salons de 1892, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0501
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LES SALONS DE 1892.

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à des débutants la grammaire de leur art. Or, pour apprendre à
parler et à écrire correctement en français, il faut de toute nécessité
conjuguer des verbes et lire de bons auteurs; pour développer ses
muscles, il faut faire de la gymnastique. Quand l’enfant est devenu un
homme, il abandonne généralement ces exercices; mais s’il sait bien
le français, s’il se sent fort et musculeux, il se rappelle à quoi il le
doit. Je connais des artistes très amoureux des choses modernes,
très chercheurs de nouveautés, qui n’auraient pas l’ingratitude de
renier leur éducation classique et qui ne rougissent nullement d’avoir
dessiné le Torse du Belvédère ou drapé un modèle d’après la Danseuse
d’Herculanum. C’est qu’ils savent où ils ont appris la science du
modelé et senti pour la première fois le charme d’une étolfe plaquée
sur un beau corps. Plût au ciel que tous nos artistes aient pratiqué
et surtout compris l’antiquité! Ils nous donneraient d’excellentes
choses d’après la vie moderne, car ils auraient demandé à l’art grec,
non pas ses sujets, mais sa perfection de technique et son intelligence
des formes extérieures. « La lettre tue et l’esprit vivifie. » Celui qui
aura bien étudié la frise du Parthénon et en aura pénétré le sens
sera plus capable qu’un autre de faire le portrait de sa femme ou de
son enfant, parce qu’il aura élargi son cerveau d’artiste et qu’il
regardera les êtres vivants avec l’esprit que le génie grec apportait
lui-même dans l’étude de la réali lé. Il y a là-dessus un perpétuel
malentendu entre les défenseurs et les adversaires de l’antique. Ce
que nous défendons n’est pas un recueil de sujets, un arsenal de
conventions classiques : c’est l’art moderne lui-même que nous
entendons protéger en lui conservant la nourriture substantielle du
passé. Pour vivre et se développer, cet art doit profiter de tout ce
que l’humanité a gagné avant lui; il n’y a point de.sol fertile qui ne
contienne les couches accumulées des plantes germées et mortes à
sa surface pendant des siècles.

Regardez les Salons modernes et la preuve sera faite. La vraie
antiquité n’est pas dans les sujets; elle est bien plus souvent dans les
formes et dans l’idée générale. La simple Étude de M. Henner contient
plus de parcelles antiques que l'immense toile des Conquérants, bien
qu’on voie dans celle-ci Sésostris, Alexandre le Grand et César, plus
de saveur classique que la caverne d’Eponine et Sabinus et que tous
les dieux réunis Dans l’Olympe. Il ne suffit pas de mettre à côté d’un
homme nu une lyre pour en faire un Orphée : ce corps étendu et
convulsé ne me rappelle que les dénouements habituels des mélo-
drames. Là encore, l’abus du modèle d’atelier a tué l’inspiration
 
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