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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

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Nr. 6
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Pottier, Edmond: Les Salons de 1892, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0502

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

vraie. Presque tous les peintres qui traitent actuellement les sujets
grecs ou romains confondent l’académique avec l’antique : jamais
erreur ne fut plus fâcheuse. La pose académique est une convention,
une création factice cherchant à exprimer le sentiment par l’exagé-
ration même du geste ou de la physionomie. La pose antique, dans
les œuvres de bonne époque, obéit à un principe diamétralement
opposé; elle ne reproduit rien qui ne soit vrai et observé dans la
nature; elle restreint le geste au lieu de le développer, elle le réduit
à une sorte de minimum. En un mot, elle vise à rendre le plus d’ex-
pression morale possible avec le moins possible d’effort physique.
Voyez les dieux assis dans la frise du Parthénon, voyez au Louvre
le bas-relief d’Orphée et d’Eurydice, voyez les statuettes de Tanagre.
C’est l’antique mal compris qui actuellement compromet l’antiquité.

Est-ce à dire qu’il faille renoncer aux sujets tirés du passé et à la
peinture d’histoire en général? Nous ne le croyons pas du tout. Nous
déplorons, au contraire, l’état de marasme où languit un genre qui
a défrayé tant de fois l’imagination des artistes, depuis les Carions
de Mantegna à Hampton-Court jusqu'à Y Entrée des Croisés de Delacroix.
L’histoire est un patrimoine auquel une nation ne peut pas renoncer
sans faillir; elle appartient à l’art, comme à la littérature et à la
science. Les Grecs du Ve siècle, qui n’étaient pas écrasés comme nous
par des annales séculaires, n’en recherchaient pas moins les souve-
nirs glorieux de leur passé ; on sait quelle place occupaient les
épisodes de la guerre de Troie dans la décoration picturale et
plastique des grands monuments d’Athènes ou d’Egine et jusque dans
l’ornementation industrielle des vases. Même le détail archéologique,
le souci de la couleur locale ne leur était pas aussi indifférent qu’on
pourrait le croire, et l’on dit qu’ayant à faire une cuirasse dans sa Prise
d'Ilion, Polygnote, afin de donner à cette arme un aspect tout à fait
archaïque, s’était inspiré d’une ancienne peinture représentant Ajax
et conservée dans le temple d’Artémis à Ephèse.

A l’heure présente, la difficulté pour les artistes est de mettre
d’accord leurs tableaux avec les progrès considérables qu’ont faits les
sciences historiques depuis soixante ans. Un seul maître, M. Gustave
Moreau, a trouvé, dans lesdons d’une imaginationextraordinairement
riche et dans la magie des couleurs, l’art d’évoquer l’antiquité sous
une forme originale où la poésie du symbole s’unit à la curiosité du
détail précis. Son influence est très sensible sur l'Œdipe de M. Lévy
et sur Y Hercule de M. Desvallières, mais il serait difficile d’appliquer
cette fantaisie idéale à la représentation des sujets rigoureusement
 
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