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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Leprieur, Paul: Correspondance d'Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0087
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78

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

en lui montrant en M. Burne-Jones le dessinateur plutôt que le peintre, peuvent
rendre à ces notes rétrospectives une fraîcheur d’actualité.

Ce qui saisissait au plus haut point, dans les salles baignées de lumière paisible
et calme où se tenait l’exposition, où se trouvaient réunies pour la première fois,
sinon l’ensemble complet de son œuvre, au moins presque toutes les créations
importantes sorties de son cœur et de sa main (car il ne manquait guère parmi
les grandes séries que celles du Persée et de la Briar-Rose), c’est le caractère d’unité
qui reliait les unes aux autres toutes ces peintures d’époques différentes, échelon-
nées sur un espace de plus de trente ans. L’idéal a pu varier dans le dessin ou la
couleur, aller de Rossetti à Venise, de Venise à Florence ou à Padoue; mais il n’a
jamais changé pour le sentiment. Du début jusqu’à la fin, on est transporté dans
le même monde de poésie et de rêve, à l’éclat tantôt brillant, tantôt doucement
mesuré, mais dont les conventions, les formules, l’aspect délicieusement irréel
s’expliquent en ce qu’il est plutôt un mirage et une sorte de transposition de la vie
qu’il n’est la vie même. On a parfois reproché à M. Burne-Jones d’avoir trop
« artificialisé » la nature, et peut-être a-t-on raison, surtout pour ses dernières
œuvres. Mais tout n’est-il pas permis, quand on vit uniquement dans l’allégorie,
la légende et le symbole ? Ne mesurons pas trop aux idéalistes le terrain
du rêve.

Il était particulièrement intéressant de suivre, à travers une précieuse suite
d’aquarelles, généralement de petite taille, et plus ou moins inspirées de Rossetti,
les premiers tâtonnements du système et de la personnalité en train de se former.
M. Burne-Jones, sans doute par coquetterie, n’avait pas tenu à être représenté par
trop de peintures de cette époque. On ne peut que blâmer les scrupules de son
amour-propre. Quelques figures isolées (Clara et Sidonia Van Bork, Fatima),
d’autres à mi-corps surtout, avec un emblème (.Y Espérance, V Astrologie), auxquelles
il faut joindre un dessin à la plume infiniment curieux, passionné et vibrant sur la
légende des Vierges folles, sont en effet si près de Rossetti qu’on pourrait s’y
méprendre. Mais, sous Limitation des chevelures bouffantes et giorgionesques du
maître, de ses manies, de ses trucs — accessoires bizarrement compliques ou
constructions inhabitables à des créatures terrestres—que d’originalité perce déjà
dans Merlin et Nimue, la Forge de Cupidon, la petite Annonciation, YÉté vert,
créations brillantes comme des pierres précieuses, ambre, perle, rubis ou émeraude,
et dont il ne retrouvera peut-être jamais plus tard la chaleur et le merveilleux
enveloppement de tons ! Les années qui s’étendent entre 1860 et 1865 ne sont
donc pas à dédaigner. C’est alors que naît ce chef-d’œuvre de sentiment pieux et
d’émotion tendre, qui s’appelle le Chevalier miséricordieux (1863). On pouvait le
voir à l’exposition, et je ne sais pas si ce n’est pas à lui qu’allaient de préférence
nos adorations. La scène est empruntée à la légende de saint Jean Gualbert qui
avait pardonné à un ennemi tombé en son pouvoir. Il est venu s’agenouiller à
l'entrée d’un humble oratoire de bois jaune verdissant, perdu dans la forêt, en
une vaste clairière, dans un entourage de haies vives et de rosiers en fleurs. Le
jour tombe : c’est l’heure du calme et du vague mystère, et le grand Christ de
bois, cloué au fond sur sa croix entre des anges, se penchant vers le bon chevalier,
l’enlace doucement de ses bras et le baise au front, récompense délicieuse et
divine de la vertu. Il est impossible de donner plus profondément, plus naïvement
que ne La fait M. Burne-Jones, la sensation même d’un miracle. 11 y a là un
 
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