LA RENAISSANCE DES ÉMAUX PEINTS.
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connu vers ce temps-là et je me souviens des fines peintures qu'il
achevait d’une pointe spirituelle, qui déjà contrastait avec la rude et
croustillante facture de Meyer. Pour qui connaît Grandhomme, il y
a une analogie frappante entre ses œuvres et lui-même: ses figures
sont bien nées de lui, elles lui ressemblent, et cette observation m’a
été faite avec beaucoup de vérité par Hector Malot.
J’ai raconté autre part comment, pour peindre un des personnages
de son roman, Mondaine, et décrire les procédés de l’émail, Fauteur
avait vécu dans la compagnie de Grandhomme et de Garnier et avait
passé des journées d’étude avec eux dans leur atelier de la rue
Couesnon. 11 ne faudrait pas cependant chercher dans le héros du
livre, le comte de Canoël, un portrait même arrangé de Grandhomme,
ce n’est pas lui qui a posé : l'émailleur-gentilhomme, l'artiste qui
délaisse son luxueux hôtel pour l’atelier du faubourg, c’est Popelin.
Le romancier avait connu Claudius Popelin et s’était lié d’amitié
avec lui, au temps où celui-ci faisait à Arères ses premières tentatives
d'émail; il avait vu passer devant les fours une figure gracieuse qui
lui avait inspiré sa charmante création de Lolieu. Plus de vingt ans se
sont écoulés entre ces souvenirs et l’apparition du roman; les
impressions se sont modifiées, mais l’idée originale est là, et il n’y
a aucune indiscrétion à le dire.
Grandhomme et Meyer étaient devenus vite les fournisseurs
attitrés de la bijouterie; ils exécutaient avec une habileté surpre-
nante de précieuses plaquettes qui sont comme un diminutif des
vieux émaux limousins. Aucun peintre plus qu’eux n’a réussi dans
cet art délicat, toutes les imitations qu’on en a faites restent infé-
rieures, et leurs émaux acquerront un jour une grande valeur.
Meyer préférait employer l’or fin, il emboutissait ses plaques sur
un plané mince, les couvrait d’un émail semi-transparent du brun
clair qu’a l’élytre du hanneton, puis, avec la fine spatule d’acier,
rapidement, il y modelait une petite figure qu’il copiait d’après un
camée antique ou d’après une intaille de Pickler ; les blancs fondus ou
relevés en épaisseur gardaient de cette façon prompte un charme de
croquis, une allure facile, un papillotement de lumière accrochée
qui en faisaient d’amusants bibelots. Boucheron a monté des bijoux
exquis dont les émaux sont signés AM, et Alexandre Dumas possède
de Meyer une bonbonnière charmante.
Grandhomme procédait autrement, et, pour être très étudiés,
ses émaux n’en étaient ni moins amusants, ni moins gracieux, mais
il s’appliquait à en faire les dessins et les composait lui-même
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connu vers ce temps-là et je me souviens des fines peintures qu'il
achevait d’une pointe spirituelle, qui déjà contrastait avec la rude et
croustillante facture de Meyer. Pour qui connaît Grandhomme, il y
a une analogie frappante entre ses œuvres et lui-même: ses figures
sont bien nées de lui, elles lui ressemblent, et cette observation m’a
été faite avec beaucoup de vérité par Hector Malot.
J’ai raconté autre part comment, pour peindre un des personnages
de son roman, Mondaine, et décrire les procédés de l’émail, Fauteur
avait vécu dans la compagnie de Grandhomme et de Garnier et avait
passé des journées d’étude avec eux dans leur atelier de la rue
Couesnon. 11 ne faudrait pas cependant chercher dans le héros du
livre, le comte de Canoël, un portrait même arrangé de Grandhomme,
ce n’est pas lui qui a posé : l'émailleur-gentilhomme, l'artiste qui
délaisse son luxueux hôtel pour l’atelier du faubourg, c’est Popelin.
Le romancier avait connu Claudius Popelin et s’était lié d’amitié
avec lui, au temps où celui-ci faisait à Arères ses premières tentatives
d'émail; il avait vu passer devant les fours une figure gracieuse qui
lui avait inspiré sa charmante création de Lolieu. Plus de vingt ans se
sont écoulés entre ces souvenirs et l’apparition du roman; les
impressions se sont modifiées, mais l’idée originale est là, et il n’y
a aucune indiscrétion à le dire.
Grandhomme et Meyer étaient devenus vite les fournisseurs
attitrés de la bijouterie; ils exécutaient avec une habileté surpre-
nante de précieuses plaquettes qui sont comme un diminutif des
vieux émaux limousins. Aucun peintre plus qu’eux n’a réussi dans
cet art délicat, toutes les imitations qu’on en a faites restent infé-
rieures, et leurs émaux acquerront un jour une grande valeur.
Meyer préférait employer l’or fin, il emboutissait ses plaques sur
un plané mince, les couvrait d’un émail semi-transparent du brun
clair qu’a l’élytre du hanneton, puis, avec la fine spatule d’acier,
rapidement, il y modelait une petite figure qu’il copiait d’après un
camée antique ou d’après une intaille de Pickler ; les blancs fondus ou
relevés en épaisseur gardaient de cette façon prompte un charme de
croquis, une allure facile, un papillotement de lumière accrochée
qui en faisaient d’amusants bibelots. Boucheron a monté des bijoux
exquis dont les émaux sont signés AM, et Alexandre Dumas possède
de Meyer une bonbonnière charmante.
Grandhomme procédait autrement, et, pour être très étudiés,
ses émaux n’en étaient ni moins amusants, ni moins gracieux, mais
il s’appliquait à en faire les dessins et les composait lui-même