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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Le palais, avec ses dépendances occupe une surface couverte de 120,000 mètres
carrés. Cela répond sans doute fort bien aux nécessités industrielles, mais le visi-
teur n’est impressionné par aucune des réalisations hardies que tolère et même
impose, après Paris et Chicago, la nature éphémère des constructions architectu-
rales, par lesquelles le Nouveau-Monde s’était donné pour tâche d’éclipser l’Ancien.
A Anvers, l’impression dominante naît de la grandeur matérielle, et de ce que le
dôme qui couronne l'entrée, avec ses phares latéraux, a tout ensemble de la
hardiesse et de l’élégance ; il ne résulte pas de là qu’on puisse le signaler comme
un type d’originale conception.
Si les expositions universelles ont surtout pour objectif de résumer l’état du
monde contemporain, de donner l’exacte mesure de son effort dans le domaine
des sciences, des arts, de l’industrie, c’est peut-être une des plus frappantes conquêtes
de notre temps que le prestige exercé, même sur la foule, par tout ce qui vient
refaire à ses yeux l’œuvre du passé.
Si la première moitié de ce siècle a vu s'accomplir d’un œil indifférent des
actes de vandalisme positif, sachons gré à la science de travailler avec un zèle
louable à en empêcher le retour.
Le quartier du vieil Anvers, que l’initiative de quelques archéologues et artistes
a eu l’heureuse idée d’ériger dans l’enceinte de l’Exposition, avec son très légitime
succès revêt comme la valeur d’un acte expiatoire, en cette ville inconsidérément
dépouillée d’attachants souvenirs pour faire place à des quartiers de la plus
désespérante monotonie.
Voici d’ailleurs comment s’exprime un des promoteurs de cette entreprise :
« Jusqu’à une époque très rapprochée de la nôtre, le vieil Anvers resta la terre
promise des rues irrégulières et pittoresques. Nulle ville ne fut plus chère au
cœur de nos écrivains romantiques. Les peintres de la même école et de la même
époque préféraient à tout autre séjour ce paradis d’où le niveau, l’équerre, le
cordeau étaient bannis comme de mauvais génies, et où les lignes brisées et les
teintes fondues et harmonisées par le temps dominaient et nuançaient les formes
gracieuses de l’Art gothique expirant ou delà Renaissance flamande.
. « Une bonne partie de tout cela a malheureusement disparu dans les dernières
années. Pour construire les quais, Napoléon et Guillaume Ier firent abattre les
murs, les portes et les tours le long de l’Escaut. Pour la rectification du cours de
ce fleuve et l’élargissement des quais, en 1880, on a coupé de longues et larges
tranches dans les constructions de la plus ancienne ville. Plusieurs des rues les
plus caractéristiques ont ainsi disparu... C’est par respect pour leur cité natale
disparue ou en voie de disparaître, par le désir d’évoquer tant de choses qu’ils
aimaient à voir et que les amis des belles anciennes villes leur sauront gré de
faire revivre, que les promoteurs du vieil Anvers ont conçu et réalisé le projet de
rebâtir cette place et ces rues de jadis, avec leurs façades en bois ou en pierre, avec
leurs rues tortueuses, avec les caprices de leurs enseignes forgées, avec leurs
demeures riches ou humbles *. »
Ce quartier du vieil Anvers a plus de deux hectares de superficie. Il se compose
d’une vaste place publique et de deux rues, le tout tracé d’une manière fort
4. Le vieil Anvers, texte par Max Rooses, aquarelles et dessins de Frans Van
Kuyck. Bruxelles, E. Lyon Claesen. 1 vol. in-8», prix 4 franc. Cet intéressant volume sera
la seule publication relative au sujet, en vertu du monopole conféré à l’éditeur.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Le palais, avec ses dépendances occupe une surface couverte de 120,000 mètres
carrés. Cela répond sans doute fort bien aux nécessités industrielles, mais le visi-
teur n’est impressionné par aucune des réalisations hardies que tolère et même
impose, après Paris et Chicago, la nature éphémère des constructions architectu-
rales, par lesquelles le Nouveau-Monde s’était donné pour tâche d’éclipser l’Ancien.
A Anvers, l’impression dominante naît de la grandeur matérielle, et de ce que le
dôme qui couronne l'entrée, avec ses phares latéraux, a tout ensemble de la
hardiesse et de l’élégance ; il ne résulte pas de là qu’on puisse le signaler comme
un type d’originale conception.
Si les expositions universelles ont surtout pour objectif de résumer l’état du
monde contemporain, de donner l’exacte mesure de son effort dans le domaine
des sciences, des arts, de l’industrie, c’est peut-être une des plus frappantes conquêtes
de notre temps que le prestige exercé, même sur la foule, par tout ce qui vient
refaire à ses yeux l’œuvre du passé.
Si la première moitié de ce siècle a vu s'accomplir d’un œil indifférent des
actes de vandalisme positif, sachons gré à la science de travailler avec un zèle
louable à en empêcher le retour.
Le quartier du vieil Anvers, que l’initiative de quelques archéologues et artistes
a eu l’heureuse idée d’ériger dans l’enceinte de l’Exposition, avec son très légitime
succès revêt comme la valeur d’un acte expiatoire, en cette ville inconsidérément
dépouillée d’attachants souvenirs pour faire place à des quartiers de la plus
désespérante monotonie.
Voici d’ailleurs comment s’exprime un des promoteurs de cette entreprise :
« Jusqu’à une époque très rapprochée de la nôtre, le vieil Anvers resta la terre
promise des rues irrégulières et pittoresques. Nulle ville ne fut plus chère au
cœur de nos écrivains romantiques. Les peintres de la même école et de la même
époque préféraient à tout autre séjour ce paradis d’où le niveau, l’équerre, le
cordeau étaient bannis comme de mauvais génies, et où les lignes brisées et les
teintes fondues et harmonisées par le temps dominaient et nuançaient les formes
gracieuses de l’Art gothique expirant ou delà Renaissance flamande.
. « Une bonne partie de tout cela a malheureusement disparu dans les dernières
années. Pour construire les quais, Napoléon et Guillaume Ier firent abattre les
murs, les portes et les tours le long de l’Escaut. Pour la rectification du cours de
ce fleuve et l’élargissement des quais, en 1880, on a coupé de longues et larges
tranches dans les constructions de la plus ancienne ville. Plusieurs des rues les
plus caractéristiques ont ainsi disparu... C’est par respect pour leur cité natale
disparue ou en voie de disparaître, par le désir d’évoquer tant de choses qu’ils
aimaient à voir et que les amis des belles anciennes villes leur sauront gré de
faire revivre, que les promoteurs du vieil Anvers ont conçu et réalisé le projet de
rebâtir cette place et ces rues de jadis, avec leurs façades en bois ou en pierre, avec
leurs rues tortueuses, avec les caprices de leurs enseignes forgées, avec leurs
demeures riches ou humbles *. »
Ce quartier du vieil Anvers a plus de deux hectares de superficie. Il se compose
d’une vaste place publique et de deux rues, le tout tracé d’une manière fort
4. Le vieil Anvers, texte par Max Rooses, aquarelles et dessins de Frans Van
Kuyck. Bruxelles, E. Lyon Claesen. 1 vol. in-8», prix 4 franc. Cet intéressant volume sera
la seule publication relative au sujet, en vertu du monopole conféré à l’éditeur.