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GAZETTE UES BEAUX-ARTS.
l’esprit, a connu quelques-unes des princesses de la comédie italienne.
Les expositions et les ventes nous ont révélé un certain nombre
de portraits de Nattier. Ainsi, à l’exposition organisée rue de Sèze
en décembre 1883, nous avions la marquise du Châtelet tenant le
livre de l’Institution physique qu’elle a composé (Salon de 1745) ; la
marquise de la Ferté-Imbault tenant un masque, tableau signé et
daté 1740; la marquise de Poyanne, Mme de Flesselles en nymphe des
eaux. Les ventes n’ont pas été moins instructives. C’est à l’hôtel
Drouot que nous avons vu Mme de Maison-Rouge en Vénus, attelant
des pigeons à son char,-un extraordinaire Nattier du Salon de 1757,
invention un peu chimérique qui a pour théâtre le ciel, et qui, pour
la gracilité des formes nues et les élégances des attaches, est une
véritable révélation de l’idéal de la femme, telle que la comprenait
le xvme siècle. Enfin dans la collection de Mme Denain vendue chez
M. Georges Petit en avril 1893, nous avons vu apparaître Mme de
Sombreval, sous la figure d’Erato, accompagnée de son fils sous les
traits de l’Amour. Peinture signée Nattier pinxit 1746. Ce portrait
devait être celui qui a figuré au Salon de 1746 sous le titre vague :
J/,ne**'* en Erato. Il s’est vendu 40,700 francs. Tel était le prix des
Nattier au printemps dernier. Ce portrait n’est pas perdu; on l’a vu
dernièrement à l’Exposition de Marie-Antoinette et il appartient à
M. Pierre Lebaudy.
Il faut avouer que le portrait tel que Nattier l’a entendu, souvent
a une base un peu arbitraire. Il divinise trop ses modèles, il leur
fait habiter des régions impossibles. Il est vrai qu’il avait été précédé
par Raoux dans le culte du travestissement. Raoux n’avait-il pas
représenté Mile Prévost en bacchante, Mlle Journet en prêtresse de
Diane, Mlle Quinault en Amphitrite, Sylvia en Thalie? Passe encore
pour les comédiennes: elles sont déguisées tous les soirs. Mais
Nattier a abusé de la mascarade. Le personnel de l’Olympe envahit
ses tableaux. Il peint en Hébé Mlle de Rohan, la duchesse de Chartres,
la duchesse de Chaulnes, et mêmeM,ne Desfourniel, toutes ces dames
ajant pour compagnon l’aigle de Jupiter. Mrae"" devient une Flore, la
comtesse de Brac est représentée en Aurore, Mine Boudrey en Muse,
car les promotions sont fréquentes même chez les bourgeoises les
plus inoffensives; les nymphes des eaux sont innombrables avec
leurs roseaux et l’urne penchante où s’appuie leur bras blanc, car
Nattier n’est pas moins mythologique dans le bric-à-brac de ses
accessoires. Nul plus que lui n’a fait une plus grande consommation
d’aigles et de colombes.
GAZETTE UES BEAUX-ARTS.
l’esprit, a connu quelques-unes des princesses de la comédie italienne.
Les expositions et les ventes nous ont révélé un certain nombre
de portraits de Nattier. Ainsi, à l’exposition organisée rue de Sèze
en décembre 1883, nous avions la marquise du Châtelet tenant le
livre de l’Institution physique qu’elle a composé (Salon de 1745) ; la
marquise de la Ferté-Imbault tenant un masque, tableau signé et
daté 1740; la marquise de Poyanne, Mme de Flesselles en nymphe des
eaux. Les ventes n’ont pas été moins instructives. C’est à l’hôtel
Drouot que nous avons vu Mme de Maison-Rouge en Vénus, attelant
des pigeons à son char,-un extraordinaire Nattier du Salon de 1757,
invention un peu chimérique qui a pour théâtre le ciel, et qui, pour
la gracilité des formes nues et les élégances des attaches, est une
véritable révélation de l’idéal de la femme, telle que la comprenait
le xvme siècle. Enfin dans la collection de Mme Denain vendue chez
M. Georges Petit en avril 1893, nous avons vu apparaître Mme de
Sombreval, sous la figure d’Erato, accompagnée de son fils sous les
traits de l’Amour. Peinture signée Nattier pinxit 1746. Ce portrait
devait être celui qui a figuré au Salon de 1746 sous le titre vague :
J/,ne**'* en Erato. Il s’est vendu 40,700 francs. Tel était le prix des
Nattier au printemps dernier. Ce portrait n’est pas perdu; on l’a vu
dernièrement à l’Exposition de Marie-Antoinette et il appartient à
M. Pierre Lebaudy.
Il faut avouer que le portrait tel que Nattier l’a entendu, souvent
a une base un peu arbitraire. Il divinise trop ses modèles, il leur
fait habiter des régions impossibles. Il est vrai qu’il avait été précédé
par Raoux dans le culte du travestissement. Raoux n’avait-il pas
représenté Mile Prévost en bacchante, Mlle Journet en prêtresse de
Diane, Mlle Quinault en Amphitrite, Sylvia en Thalie? Passe encore
pour les comédiennes: elles sont déguisées tous les soirs. Mais
Nattier a abusé de la mascarade. Le personnel de l’Olympe envahit
ses tableaux. Il peint en Hébé Mlle de Rohan, la duchesse de Chartres,
la duchesse de Chaulnes, et mêmeM,ne Desfourniel, toutes ces dames
ajant pour compagnon l’aigle de Jupiter. Mrae"" devient une Flore, la
comtesse de Brac est représentée en Aurore, Mine Boudrey en Muse,
car les promotions sont fréquentes même chez les bourgeoises les
plus inoffensives; les nymphes des eaux sont innombrables avec
leurs roseaux et l’urne penchante où s’appuie leur bras blanc, car
Nattier n’est pas moins mythologique dans le bric-à-brac de ses
accessoires. Nul plus que lui n’a fait une plus grande consommation
d’aigles et de colombes.