VOYAGES ET VOYAGEURS.
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Suisse, passent de Genève à Lyon, et entreprennent un voyage
circulaire en France par Avignon, Montpellier, Bordeaux, Poitiers,
Orléans, où l’accent français est si pur « qu’on dit Vorléanisme, comme
chez les Grecs Y atticisme »; finalement ils arrivent à Paris.
Hentzner donne quelques détails sur les principaux monuments
de la capitale, les églises, les portes, les ponts, la Bastille, le Louvre
où se trouvait Henri IV, l’hôtel de la Reine, l’ancienne résidence de
Catherine de Médicis devenue la propriété de Catherine de Bourbon,
soeur du Roi '. Il assiste au dîner de cette princesse :
Chaque fois qu’elle buvait, l’échanson meltait un bassin de vermeil sous son
verre, pour la garantir des gouttes qui pourraient tomber. Après le dîner, un
autre échanson lui donna un verre et du vin, en lui présentant un bassin d’argent
fermé par un couvercle à claire-voie où elle rejetait le vin qui lui avait servi à se
nettoyer les dents.
De Paris, les voyageurs descendent la Loire jusqu’à Rouen, et
s’embarquent à Dieppe pour l’Angleterre.
Hentzner juge les Anglais à sa façon :
Ils sont graves, magnifiques, excellents dans la danse et la musique, bons
marins, pirates insignes, rusés et enclins au vol. A Londres, chaque année, on en
pend plus de trois cents. Ils mangent moins de pain et plus de viande que les
Français, et sont plus modérés dans la nourriture. Leur viande est parfaitement
rôtie. Ils mélangent abondamment le sucre à leur boisson. Les maisons sont
construites en bois ou en briques, et généralement à deux étages, sauf à Londres...
Ils affectionnent les bruits qui leur emplissent les oreilles, l’explosion de l’artil-
lerie, le roulement des tambours, le carillon des cloches. Au théâtre et partout
ailleurs, ils usent de l’herbe Nicotiane, qu’ils appellent de son nom américain
Tabaca ou Petun; ils la font dessécher, l'allument et aspirent, au moyen de tuyaux
de terre faits exprès, la fumée qui, sortant par le nez comme par un entonnoir,
entraîne avec elle les humeurs du cerveau.
Dans les faubourgs de Londres il y a des théâtres où des acteurs anglais,
histriones angli, jouent presque tous les jours, devant un nombreux public, des
comédies et des tragédies, qu’ils terminent par des ballets accompagnés d’une
musique délicieuse.
Voilà tout ce que le voyageur silésien nous apprend sur le
théâtre de Southwark où Shakespeare jouait alors ses immortels
chefs-d’œuvre, Roméo et Juliette (1595), Hamlet (1596), Henri IV
(1597-98), etc.
Hentzner parle encore de la foire de Saint-Barthélemy, des
\. Voir l’Inventaire de Catherine de Médicis, Paris, Quantin, 1874.
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Suisse, passent de Genève à Lyon, et entreprennent un voyage
circulaire en France par Avignon, Montpellier, Bordeaux, Poitiers,
Orléans, où l’accent français est si pur « qu’on dit Vorléanisme, comme
chez les Grecs Y atticisme »; finalement ils arrivent à Paris.
Hentzner donne quelques détails sur les principaux monuments
de la capitale, les églises, les portes, les ponts, la Bastille, le Louvre
où se trouvait Henri IV, l’hôtel de la Reine, l’ancienne résidence de
Catherine de Médicis devenue la propriété de Catherine de Bourbon,
soeur du Roi '. Il assiste au dîner de cette princesse :
Chaque fois qu’elle buvait, l’échanson meltait un bassin de vermeil sous son
verre, pour la garantir des gouttes qui pourraient tomber. Après le dîner, un
autre échanson lui donna un verre et du vin, en lui présentant un bassin d’argent
fermé par un couvercle à claire-voie où elle rejetait le vin qui lui avait servi à se
nettoyer les dents.
De Paris, les voyageurs descendent la Loire jusqu’à Rouen, et
s’embarquent à Dieppe pour l’Angleterre.
Hentzner juge les Anglais à sa façon :
Ils sont graves, magnifiques, excellents dans la danse et la musique, bons
marins, pirates insignes, rusés et enclins au vol. A Londres, chaque année, on en
pend plus de trois cents. Ils mangent moins de pain et plus de viande que les
Français, et sont plus modérés dans la nourriture. Leur viande est parfaitement
rôtie. Ils mélangent abondamment le sucre à leur boisson. Les maisons sont
construites en bois ou en briques, et généralement à deux étages, sauf à Londres...
Ils affectionnent les bruits qui leur emplissent les oreilles, l’explosion de l’artil-
lerie, le roulement des tambours, le carillon des cloches. Au théâtre et partout
ailleurs, ils usent de l’herbe Nicotiane, qu’ils appellent de son nom américain
Tabaca ou Petun; ils la font dessécher, l'allument et aspirent, au moyen de tuyaux
de terre faits exprès, la fumée qui, sortant par le nez comme par un entonnoir,
entraîne avec elle les humeurs du cerveau.
Dans les faubourgs de Londres il y a des théâtres où des acteurs anglais,
histriones angli, jouent presque tous les jours, devant un nombreux public, des
comédies et des tragédies, qu’ils terminent par des ballets accompagnés d’une
musique délicieuse.
Voilà tout ce que le voyageur silésien nous apprend sur le
théâtre de Southwark où Shakespeare jouait alors ses immortels
chefs-d’œuvre, Roméo et Juliette (1595), Hamlet (1596), Henri IV
(1597-98), etc.
Hentzner parle encore de la foire de Saint-Barthélemy, des
\. Voir l’Inventaire de Catherine de Médicis, Paris, Quantin, 1874.