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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 12.1894

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Nr. 3
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Montesquiou-Fezensac, Robert de: Jean Carriès: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24665#0215

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JEAN CARRIÈS.

203

Dans cette sculpture des Champs-Elysées, entre tant de duchesses
dégrossies dans du sucre, il semblait merveilleux que le seul véritable
ciseleur, à qui pourtant pas une d’elles n’aurait accepté de confier sa
ressemblance, e.ûtdû se faire le portraitiste de cette Cour desMiracles.

Ce précieux de l'enveloppe fut sans doute, entre tous, le don privi-
légié, la qualité-mère de Carriès.

Il est peu probable qu'il ait jamais mis dans ses œuvres tout ce
qu on y vit, et dont en sa malice de paysan, — par de certains points
parente de celle de Bastien-Lepage, — il n’était pas fâché de laisser
croire qu’on l’y trouvait; riant dans sa fine barbe aux interpréta-
tions qu’on lui faisait de ces soi-disant concepts, mais uniquement
soucieux du morceau, et d’un thème où promener une des plus amou-
reuses prédilections qui fut jamais de la matière et delà patine.

Voilà le vrai. Les belles dames qui se seraient gardées de lui confier
leur ressemblance n’auraient pas eu tort en ceci qu’il ne l’eût que
faiblement réussie. Une longue série déposés n’auraitengendré qu’une
apparence plus ou moins lointaine du modèle, inévitablement cos-
tumée en Loÿse Labbé. mais qui n’aurait point « fait japper le
chien de la maison », selon la jolie expression de Mme d’Agoult.
A coup sûr, un objet d’art caressé jusqu’aux plus subtiles limites du
poli et de l’atténué, par de savantes alternances, et le point lumi-
neux glissant en des lisses savoureux, presque savonneux, et tels que
d'ordinaire l’usage seul les obtient — disons l’usure, aux bas-reliefs
flo rentins du socle d’un Persée de Benvenuto, effleurés de dos
d’enfants et de touchers de touristes ; encore à de certaines rampes
intérieures de Saint-Marc de Venise, sous des doigts de prêtre; enfin
dans Rome, à cet orteil de saint Pierre, tout usé de baisers de fidèles.

Non, Carriès ne fut point un compositeur. L’outrance même, dans
l’ordonnance de sa célèbre porte, pour vouloir démentir ce reproche,
n’en démontre que mieux la justesse. Mais Carriès fut un exécutant
admirable. Et ce fut pour donner essor à ce que j’appellerai cette
virtuosité des patines, qu’il ébaucha, lors dosa trouvaille des poteries
émaillées, et d’accord avec son savant ami M. Grasset, le projet et le
plan de la porte en carreaux de grès qui devait l’occuper longtemps
encore, et pour laquelle il vient de mourir.

J’ai dit que je sortais d’admirer au Salon de 1881 les quatre têtes
exposées là par Carriès, quand je rencontrai le jeune homme.
 
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