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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dans ses détails, que cette peinture, si peu mythologique en dépit de
son titre, mais si véritablement espagnole parle milieu, le caractère
et le choix des types. Paysage, lumière, costumes, modèles, l’artiste
a tout trouvé, tout pris autour de lui, et rien n’est plus inat-
tendu, plus nouveau, que cette étonnante création qui marque une
étape décisive dans la direction que suivra désormais le génie du
maitre.
Ecoutant les conseils de Rubens dont il venait d’ètre le compa-
gnon et l’hôte, Velâzquez partit en 1629 pour visiter l’Italie. Arrivé
à Venise, il y étudia avec amour les maîtres qu’il préférait, le Titien,
Véronèse, et copia, d’après Tintoret, le Crucifiement et la Cène. A Rome,
il fit aussi quelques études d’après Raphaël et Michel-Ange, mais il
n’était pas homme à vivre de la pensée des autres et la nature l’eut
vite reconquis. Logé à la villa Médicis, il en admira la beauté des
jardins, et, pour en conserver le souvenir, il improvisa deux char-
mantes études peintes, cataloguées au Musée du Prado sous les
n°s 1106 et 1107, et qui sont deux petits chefs-d’œuvre.
Deux compositions importantes furent également le résultat de
son séjour à Rome : l’une, intitulée la Tunique de Joseph, est à l’Escu-
rial; l’autre, la Forge de Yulcain, se trouve au Prado. En étudiant ce
dernier ouvrage, on sent tout de suite que, comme pour le Bacchus,
Velâzquez ne s’inquiète guère des formules italiennes non plus que
du sens poétique du thème qu’il a choisi ; il ne voit rien, ne cherche
rien en dehors de la réalité; ce qui l’intéresse et le captive, c’est la
nature intei’rogée dans son caractère, son mouvement, et rendue,
avec son imprévu pittoresque, dans sa curieuse diversité. Lu Forge a
été peinte à Rome, mais on la pourrait croire tout aussi bien exécutée
à Madrid, car l’artiste n’y fait aucune concession au milieu qu’il
habite et aux influences qui l’entourent. Ses forgerons, son Vulcain,
son Apollon, ne sont-ce pas là autant de portraits et de modèles pris
parmi ses compatriotes? Et il en sera de même lorsque, pour la déco-
ration del’Alcazar, il peindra Mercure et Argus, le dieu Mars, et encore
ces personnages hétéroclites qu’il appelle ironiquement Ésope et
Ménippe; on voit que Arelazquez en prend à son aise avec l’antiquité
et la mythologie.
A Naples, où il était allé s’embarquer, Velâzquez se lia étroite-
ment avec Ribera, dont il s’était montré dès sa jeunesse l’admirateur
enthousiaste. Il peignit là le portrait de la sœur de Philippe IV,
1 infante Maria, reine de Hongrie, que le catalogue du Prado prétend,
à tort selon nous, identifier avec le portrait n° 1072 qui n’est autre,
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dans ses détails, que cette peinture, si peu mythologique en dépit de
son titre, mais si véritablement espagnole parle milieu, le caractère
et le choix des types. Paysage, lumière, costumes, modèles, l’artiste
a tout trouvé, tout pris autour de lui, et rien n’est plus inat-
tendu, plus nouveau, que cette étonnante création qui marque une
étape décisive dans la direction que suivra désormais le génie du
maitre.
Ecoutant les conseils de Rubens dont il venait d’ètre le compa-
gnon et l’hôte, Velâzquez partit en 1629 pour visiter l’Italie. Arrivé
à Venise, il y étudia avec amour les maîtres qu’il préférait, le Titien,
Véronèse, et copia, d’après Tintoret, le Crucifiement et la Cène. A Rome,
il fit aussi quelques études d’après Raphaël et Michel-Ange, mais il
n’était pas homme à vivre de la pensée des autres et la nature l’eut
vite reconquis. Logé à la villa Médicis, il en admira la beauté des
jardins, et, pour en conserver le souvenir, il improvisa deux char-
mantes études peintes, cataloguées au Musée du Prado sous les
n°s 1106 et 1107, et qui sont deux petits chefs-d’œuvre.
Deux compositions importantes furent également le résultat de
son séjour à Rome : l’une, intitulée la Tunique de Joseph, est à l’Escu-
rial; l’autre, la Forge de Yulcain, se trouve au Prado. En étudiant ce
dernier ouvrage, on sent tout de suite que, comme pour le Bacchus,
Velâzquez ne s’inquiète guère des formules italiennes non plus que
du sens poétique du thème qu’il a choisi ; il ne voit rien, ne cherche
rien en dehors de la réalité; ce qui l’intéresse et le captive, c’est la
nature intei’rogée dans son caractère, son mouvement, et rendue,
avec son imprévu pittoresque, dans sa curieuse diversité. Lu Forge a
été peinte à Rome, mais on la pourrait croire tout aussi bien exécutée
à Madrid, car l’artiste n’y fait aucune concession au milieu qu’il
habite et aux influences qui l’entourent. Ses forgerons, son Vulcain,
son Apollon, ne sont-ce pas là autant de portraits et de modèles pris
parmi ses compatriotes? Et il en sera de même lorsque, pour la déco-
ration del’Alcazar, il peindra Mercure et Argus, le dieu Mars, et encore
ces personnages hétéroclites qu’il appelle ironiquement Ésope et
Ménippe; on voit que Arelazquez en prend à son aise avec l’antiquité
et la mythologie.
A Naples, où il était allé s’embarquer, Velâzquez se lia étroite-
ment avec Ribera, dont il s’était montré dès sa jeunesse l’admirateur
enthousiaste. Il peignit là le portrait de la sœur de Philippe IV,
1 infante Maria, reine de Hongrie, que le catalogue du Prado prétend,
à tort selon nous, identifier avec le portrait n° 1072 qui n’est autre,