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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
nouveaux ouvrages aucunes réminiscences, aucunes traces quel-
conques d’une influence étrangère. Il reste lui-même et rien que
lui-même dans les beaux portraits exécutés de 1635 à 1638, et qui
représentent Philippe IY, son frère don Fernand et l’héritier du
trône, l’infant don Balthazar Carlos, tous trois en costume de chasse,
le fusil à la main, et accompagnés de leurs chiens favoris. De ce même
jeune prince, alors âgé d’environ sept ans, il peint encore à cette
époque l’admirable et vivant portrait équestre où il montre l’infant,
vêtu d’un costume vert brodé d’or, monté sur unejument andalouse,
emportée dans un galop furieux.
D’autres peintux’es s’échelonnent à partir de 1639 jusqu’en 1648,
qui témoignent que le maître est en complète possession de toutes les
ressources de son talent, toujours grandissant. C’est le Christ en croix,
d'un aspect si tragique; c’est le portrait d’une exécution si franche
du comte de Benavente, et c'est enfin cet absolu chef-d’œuvre, le portrait
équestre du comte-duc d'Olioarès. Du médiocre politique, de l’inhabile
ministre de Philippe IY, qui jamais de sa personne ne prit part à
aucune action de guerre, Yelazquez a fait un héros, enlevant son
cheval de bataille en avant de son armée, à laquelle, son bâton de
commandement à la main, il désigne l’ennemi d’un geste impérieux.
L’intensité d’action et l’irrésistible élan de ce groupe, jeté en rase
campagne et peint en pleine lumière, atteignent la plus haute puis-
sance d’effet comme mouvement, comme relief, comme illusion de vie.
On ne rencontre un dessin aussi juste, une tournure plus fière et
autant de solidité dans l’exécution que dans cet autre joyau du Musée
du Prado : Le portrait équestre de Philippe IV. Le premier offre sans
doute plus d’ampleur dans sa silhouette mouvementée, mais le
second présente peut-être dans son ensemble plus de distinction et
de dignité. Yelazquez termina ce portrait vers 1644, d’après une
esquisse qu’il avait peinte au camp de Fraga, où il avait accompagné
le roi qui commandait alors son armée opérant en Catalogne et en
Aragon. Voulant plus tard compléter la décoration de celui des salons
de l’Alcazar où était placé ce beau portrait, l'artiste peignit à cette
occasion, mais aidé par ses élèves, les portraits équestres de Philippe 111.,
de sa femme Marguerite d’Autriche et d'Élisabeth de Bourbon, première
femme de Philippe IV.
Pour distraire le roi qui s’ennuyait en Aragon, Velâzquez fit
sous ses yeux le portrait de son nain favori : El Primo, qu’il repré-
senta assis, au milieu d’une campagne déserte et accidentée, vêtu
de noir, la tète couverte d’un chapeau aux larges ailes. Le nain, qui
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
nouveaux ouvrages aucunes réminiscences, aucunes traces quel-
conques d’une influence étrangère. Il reste lui-même et rien que
lui-même dans les beaux portraits exécutés de 1635 à 1638, et qui
représentent Philippe IY, son frère don Fernand et l’héritier du
trône, l’infant don Balthazar Carlos, tous trois en costume de chasse,
le fusil à la main, et accompagnés de leurs chiens favoris. De ce même
jeune prince, alors âgé d’environ sept ans, il peint encore à cette
époque l’admirable et vivant portrait équestre où il montre l’infant,
vêtu d’un costume vert brodé d’or, monté sur unejument andalouse,
emportée dans un galop furieux.
D’autres peintux’es s’échelonnent à partir de 1639 jusqu’en 1648,
qui témoignent que le maître est en complète possession de toutes les
ressources de son talent, toujours grandissant. C’est le Christ en croix,
d'un aspect si tragique; c’est le portrait d’une exécution si franche
du comte de Benavente, et c'est enfin cet absolu chef-d’œuvre, le portrait
équestre du comte-duc d'Olioarès. Du médiocre politique, de l’inhabile
ministre de Philippe IY, qui jamais de sa personne ne prit part à
aucune action de guerre, Yelazquez a fait un héros, enlevant son
cheval de bataille en avant de son armée, à laquelle, son bâton de
commandement à la main, il désigne l’ennemi d’un geste impérieux.
L’intensité d’action et l’irrésistible élan de ce groupe, jeté en rase
campagne et peint en pleine lumière, atteignent la plus haute puis-
sance d’effet comme mouvement, comme relief, comme illusion de vie.
On ne rencontre un dessin aussi juste, une tournure plus fière et
autant de solidité dans l’exécution que dans cet autre joyau du Musée
du Prado : Le portrait équestre de Philippe IV. Le premier offre sans
doute plus d’ampleur dans sa silhouette mouvementée, mais le
second présente peut-être dans son ensemble plus de distinction et
de dignité. Yelazquez termina ce portrait vers 1644, d’après une
esquisse qu’il avait peinte au camp de Fraga, où il avait accompagné
le roi qui commandait alors son armée opérant en Catalogne et en
Aragon. Voulant plus tard compléter la décoration de celui des salons
de l’Alcazar où était placé ce beau portrait, l'artiste peignit à cette
occasion, mais aidé par ses élèves, les portraits équestres de Philippe 111.,
de sa femme Marguerite d’Autriche et d'Élisabeth de Bourbon, première
femme de Philippe IV.
Pour distraire le roi qui s’ennuyait en Aragon, Velâzquez fit
sous ses yeux le portrait de son nain favori : El Primo, qu’il repré-
senta assis, au milieu d’une campagne déserte et accidentée, vêtu
de noir, la tète couverte d’un chapeau aux larges ailes. Le nain, qui