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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dations du traité de Versailles qui rapprocha la France de la cour
de Vienne. Ce portrait nedoit pas avoir été exposé, mais nous pouvons
le dater approximativement, s’il est vrai, comme l’affirment MM. de
Goncourt ', que Kaunitz séjourna en France du 2 novembre 1750
au 5 novembre 1752. Mais au Salon de 1751, nous voyons apparaître
une oeuvre deTocqué qui peut être la solution d’un mystère inquiétant.
Tout le monde connaît au Louvre, dans la galerie Lacaze, le charmant
portrait de cette liseuse qui, comme le dit fort bien le catalogue de
M. Reiset, suffirait seul à l’illustration d’un artiste. On a longtemps
disputé sur la paternité de cette œuvre qui, dans notre jeunesse, a
passé pour être de Chardin et pour représenter Mmc Lenoir. Mais
M. Reiset fait observer que le portrait de Mmc Lenoir était tout autre
et que, plusieurs années avant sa mort, M. Lacaze avait rayé le nom
de Chardin. 11 est aujourd’hui classé aux inconnus, ce qui est inquié-
tant et ce qui nous déshonore un peu, car il est humiliant pour nous
d’avouer que nous ne connaissons pas très bien l’Ecole française.
Nous ne nous chargeons pas d’expliquer l’énigme, mais nous voyons
avec émotion qu’en 1751 Tocqué expose au Salon le portrait de
y/me Tocqué tenant une brochure. Il me semble que ces mots devraient
nous faire ouvrir les yeux. Le costume qui est celui d’une bourgeoise
chez elle, — robe bleue avec nœuds de ruban, mante noire, bonnet
blanc — et le caractère de la peinture, la tendresse du modelé,
l’intimité de la physionomie, l’occupation que le peintre a donnée
à son personnage, qui était une femme lettrée, tout concourt à faire
admettre notre hypothèse. Le nom deTocqué ne révolte point l’esprit,
malheureusement, nous n’avons pas de certitude. Nous ignorons quel
âge avait Mrae Tocqué en 1751 nous savons seulement qu’elle s’est
mariée le 7 février 1747. Elle devait en 1751 être plus jeune que la
charmante liseuse de la galerie Lacaze. Ressemblait-elle à son père,
Nattier, dont les traits nous sont connus? Ce sont là autant de
questions qui s’imposent à la critique et qu’elle devrait résoudre,
car il est lamentable de ne pouvoir nommer le peintre de la charmante
liseuse de la salle Lacaze, un des plus délicats chefs-d’œuvre de l’Ecole
française.
Nous touchons à l’époque héroïque, aux certitudes de ce terme
d’une carrière qui a fini résolument par s’acheminer, sinon vers le
style, du moins vers le procédé de Nattier. En 1755, Tocqué expose,
avec Le duc de Chartres jetant du pain à des cygnes, Jéliote en Apollon, et
1. Madame de Pompadour, p. 192.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dations du traité de Versailles qui rapprocha la France de la cour
de Vienne. Ce portrait nedoit pas avoir été exposé, mais nous pouvons
le dater approximativement, s’il est vrai, comme l’affirment MM. de
Goncourt ', que Kaunitz séjourna en France du 2 novembre 1750
au 5 novembre 1752. Mais au Salon de 1751, nous voyons apparaître
une oeuvre deTocqué qui peut être la solution d’un mystère inquiétant.
Tout le monde connaît au Louvre, dans la galerie Lacaze, le charmant
portrait de cette liseuse qui, comme le dit fort bien le catalogue de
M. Reiset, suffirait seul à l’illustration d’un artiste. On a longtemps
disputé sur la paternité de cette œuvre qui, dans notre jeunesse, a
passé pour être de Chardin et pour représenter Mmc Lenoir. Mais
M. Reiset fait observer que le portrait de Mmc Lenoir était tout autre
et que, plusieurs années avant sa mort, M. Lacaze avait rayé le nom
de Chardin. 11 est aujourd’hui classé aux inconnus, ce qui est inquié-
tant et ce qui nous déshonore un peu, car il est humiliant pour nous
d’avouer que nous ne connaissons pas très bien l’Ecole française.
Nous ne nous chargeons pas d’expliquer l’énigme, mais nous voyons
avec émotion qu’en 1751 Tocqué expose au Salon le portrait de
y/me Tocqué tenant une brochure. Il me semble que ces mots devraient
nous faire ouvrir les yeux. Le costume qui est celui d’une bourgeoise
chez elle, — robe bleue avec nœuds de ruban, mante noire, bonnet
blanc — et le caractère de la peinture, la tendresse du modelé,
l’intimité de la physionomie, l’occupation que le peintre a donnée
à son personnage, qui était une femme lettrée, tout concourt à faire
admettre notre hypothèse. Le nom deTocqué ne révolte point l’esprit,
malheureusement, nous n’avons pas de certitude. Nous ignorons quel
âge avait Mrae Tocqué en 1751 nous savons seulement qu’elle s’est
mariée le 7 février 1747. Elle devait en 1751 être plus jeune que la
charmante liseuse de la galerie Lacaze. Ressemblait-elle à son père,
Nattier, dont les traits nous sont connus? Ce sont là autant de
questions qui s’imposent à la critique et qu’elle devrait résoudre,
car il est lamentable de ne pouvoir nommer le peintre de la charmante
liseuse de la salle Lacaze, un des plus délicats chefs-d’œuvre de l’Ecole
française.
Nous touchons à l’époque héroïque, aux certitudes de ce terme
d’une carrière qui a fini résolument par s’acheminer, sinon vers le
style, du moins vers le procédé de Nattier. En 1755, Tocqué expose,
avec Le duc de Chartres jetant du pain à des cygnes, Jéliote en Apollon, et
1. Madame de Pompadour, p. 192.