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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 12.1894

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Nr. 6
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Bouchot, Henri: Le portrait-miniature en France, 3 [= 6], De la Restauration de jusqu'à nous
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https://doi.org/10.11588/diglit.24665#0495

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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d’oripeaux révolutionnaires. Alors elles s’abstenaient avec des
moues très dignes, s’en référant à leurs effigies datées de la prise
de la Bastille, comme faisait le roi Louis XVIII, qui continuait à
offrir les tabatières du comte de Provence.

Plus que tout autre, Isabey contribua à les ramener à la minia-
ture en les affublant d’un voile uniforme seyant aux jeunes, seyant
aux personnes d’âge, confondant les générations et les vraisem-
blances jusqu’à faire de la duchesse d’Angoulême une dame vapo-
reuse, ébouriffée, vous croiriez aussi gracieuse que la maréchale
Lannes ou la princesse Czartoriska. Augustin avait été plus sincère,
Jean Guérin supérieur dans son Kléber superbe et mâle, Robert
Lefèvre plus naïvement courtisan. Lui, Isabey, s’était avisé de ce
passe-partout mondain où les beautés fraîches avaient moins à
gagner, mais que les femmes mûres recherchaient pour le voisinage
des jeunes et l’assimilation. Ce fut toute la raison de l’incroyable
faveur dont il sut jouir pendant plus de dix ans encore, entre 1815
et 1825. Après ce temps, les filles et les petites-filles des vieilles
dames estimèrent le genre un peu gothique, et l’étoile d’Isabey pâlit
étonnamment; il donnait à ces gens nouveaux l’impression que nous
cause aujourd’hui un portrait exécuté sous Napoléon III, et l’on affec-
tait d’en rire. Augustin avait plus vieilli encore, sa touche étroite
et serrée, congruante aux modes de l’Empire, n’intéressait que ses
contemporaines; Aubry le suivait de trop près. Il y avait Saint,
mais Saint tout seul que l’on admettait pour ses pratiques modernes,
son pinceau « moins regardant ». On attendait l’astre nouveau, en
engageant poliment les anciens à se coucher au plus vite.

La lutte courtoise entre Saint et Isabey ne fut point toujours à
l’avantage du premier; Delpech le salonnier lui décerne la palme
en 1814, mais Saint traite les dames d’assez médiocre façon. Il a
pour lui une touche large, quelque liberté dans l’esprit; il voit dans
son modèle ce qui note les allures journalières, et il l’exprime au
mieux. Malheureusement, il manque de « sensibilité », autant
revient à dire de distinction et de charme. Attaché plus spécialement
à Monsieur, alors comte d’Artois, Saint recherche de préférence le
détail de la physionomie masculine; il s’y adonne trop pour ne pas
savoir à propos transposer ses gammes sur un minois de coquette.
Un jo ir il peint une gracieuse beauté courant dans un jardin, comme
la comtesse de Laborde par Gérard, il exagère une jambe et on lui en
fait la guerre. Mais il a fait pis que d’allonger les membres infé-
rieurs; il a étonnamment pourléché les traits, attiédi l’esprit de la
 
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