J, 15 PORTRAIT MINIATURE EN FRANCE.
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de la Restauration et père d’Alexandre Hesse1 ; son genre est déli-
cieux et son goût très sûr. En plus, il n’imite point servilement
son maître, il se crée une formule, lavant ou pointillant tour à tour,
soignant les accessoires, documentant poliment ses jolies fri-
mousses d’un tas d’objets datés, où l’historien trouve une glane
profitable entre toutes. Au jour où la duchesse de Berry tomba
chez nous, un peu étonnée du bruit, encore pensionnaire et naïve,
ce fut Hesse, parmi tant d’autres, qui en eut séance. Sa médaille
d’or de 1810 lui en faisait un droit; il s’acquitta comme il put de la
tâche officielle, un peu empêché, on le sent, gêné de la commande.
La personne qu’il montre est une étrange jeunesse, ouvrant de
grands yeux bleus effarés, sanglée odieusement dans sa robe de
l’Empire, raide comme une nouvelle mariée qui craindrait de froisser
ses jupes2 3. Plus tard, Hesse reviendra à son modèle pour une pein-
ture sur toile, mais combien la jeune duchesse aura changé! Elle
sera devenue la Parisienne, la i'eine véritable, la patricienne ado-
rable sous des atours noirs8. Nul autre, Thomas Lawrence excepté,
ne nous aura dit mieux cette physionomie espiègle, mille fois estro-
piée par des admirateurs ou des ignorants. A son insu, Hesse avait
écrit une page d’histoire contemporaine.
Le Louvre conserve de lui une miniature de fillette toute blonde,
toutegracieuse, au milieu de polichinellesetde jouets. Là, vous pourrez
juger mieux des souplesses extrêmes de ce pinceau, que non pas ici,
à travers les rudes mécomptes de l’estampe de Gudin. Ce n’est plus
de l’Isabey, ce n’est pas de l’Augustin, c’est autre chose de person-
nel, de gracieux et de fort mignard, à quoi se vient ajouter l’intérêt
marqué d’une époque. Comparons cette petite aux enfants bistournés
et ridicules entrevus dans les images de la Restauration, c’est pro-
prement une révélation, et comme un correctif à tant de fadaises.
Mansion4, aussi élève d’Isabey, tient à Hesse par plus d’un côté;
comme lui, il est un délicieux peintre d’enfants, un dessinateur de
coquetteries spirituelles, que les atours un peu biscornus d’alors ne
troublent pas outre mesure. Mansion était de Nancy, le pays de son
maître, et avait autrefois débuté sous l’Empire par des miniatures
honorables. Ensuite il était entré à la Manufacture de Sèvres où on
I. Henri-Joseph Hesse, né en 1781, mort en 1849.
a. Ce portrait a été gravé au burin par Gudin.
3. Ce portrait a été gravé par Audoin. Mme Audoin en a exécuté une minia-
ture médiocre.
4. Mansion, né à Nancy vers la fin du xvm0 siècle, mort à Paris.
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de la Restauration et père d’Alexandre Hesse1 ; son genre est déli-
cieux et son goût très sûr. En plus, il n’imite point servilement
son maître, il se crée une formule, lavant ou pointillant tour à tour,
soignant les accessoires, documentant poliment ses jolies fri-
mousses d’un tas d’objets datés, où l’historien trouve une glane
profitable entre toutes. Au jour où la duchesse de Berry tomba
chez nous, un peu étonnée du bruit, encore pensionnaire et naïve,
ce fut Hesse, parmi tant d’autres, qui en eut séance. Sa médaille
d’or de 1810 lui en faisait un droit; il s’acquitta comme il put de la
tâche officielle, un peu empêché, on le sent, gêné de la commande.
La personne qu’il montre est une étrange jeunesse, ouvrant de
grands yeux bleus effarés, sanglée odieusement dans sa robe de
l’Empire, raide comme une nouvelle mariée qui craindrait de froisser
ses jupes2 3. Plus tard, Hesse reviendra à son modèle pour une pein-
ture sur toile, mais combien la jeune duchesse aura changé! Elle
sera devenue la Parisienne, la i'eine véritable, la patricienne ado-
rable sous des atours noirs8. Nul autre, Thomas Lawrence excepté,
ne nous aura dit mieux cette physionomie espiègle, mille fois estro-
piée par des admirateurs ou des ignorants. A son insu, Hesse avait
écrit une page d’histoire contemporaine.
Le Louvre conserve de lui une miniature de fillette toute blonde,
toutegracieuse, au milieu de polichinellesetde jouets. Là, vous pourrez
juger mieux des souplesses extrêmes de ce pinceau, que non pas ici,
à travers les rudes mécomptes de l’estampe de Gudin. Ce n’est plus
de l’Isabey, ce n’est pas de l’Augustin, c’est autre chose de person-
nel, de gracieux et de fort mignard, à quoi se vient ajouter l’intérêt
marqué d’une époque. Comparons cette petite aux enfants bistournés
et ridicules entrevus dans les images de la Restauration, c’est pro-
prement une révélation, et comme un correctif à tant de fadaises.
Mansion4, aussi élève d’Isabey, tient à Hesse par plus d’un côté;
comme lui, il est un délicieux peintre d’enfants, un dessinateur de
coquetteries spirituelles, que les atours un peu biscornus d’alors ne
troublent pas outre mesure. Mansion était de Nancy, le pays de son
maître, et avait autrefois débuté sous l’Empire par des miniatures
honorables. Ensuite il était entré à la Manufacture de Sèvres où on
I. Henri-Joseph Hesse, né en 1781, mort en 1849.
a. Ce portrait a été gravé au burin par Gudin.
3. Ce portrait a été gravé par Audoin. Mme Audoin en a exécuté une minia-
ture médiocre.
4. Mansion, né à Nancy vers la fin du xvm0 siècle, mort à Paris.