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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 17.1897

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Nr. 6
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Maignan, Albert: Le Salon de 1897 - Société des Artistes Français (Champs-Élysées), 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.28018#0508
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466

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Décidément, il est des hommes privilégiés, vraiment nés pour
être heureux. Saluons-les de tout cœur, sans tristes retours sur nous-
mêmes.

111

J.-P. LAURENS, BOGGIO, BELLERY-DESFOIS T AINES, IiOROCHANSKY, LÉVY-
DHURMER, RIDEL, FABER DU FAUR, G. DESVALLIÈRES, G. HARCOURT,
SAINT-GERMIER, E. DANTAN, BRÉAUTÉ, JEAN BRUNET, TONY ROBERT-
FLEURY, LAURENT-DESROUSSEAUX, SOROLLA.

En face de nous, voici la grande toile de Jean-Paul Laurcns,
intitulée : Le Laur agitais. C'est la terre, la terre nourricière, où
germera le blé, la plante sacrée qui devient la propre chair de
l’homme. Pour nous exprimer sa vision, le peintre nous transporte
dans le blond Languedoc, son pays natal, ce pays dont il comprend
mieux, dit-il, la beauté depuis qu'il en est parti. C’est une campagne
âpre, presque sans arbres, une suite de collines bossues, faites de
buttes d'une couleur ocreuse, et dont les sillons fraîchement creusés
exagèrent les colorations fauves. Le ciel est bleu, alourdi par des
nuages orageux qui passent et font sur les terrains de grandes
ombres violacées, semblables à celles que l’on voit du haut des
falaises, courant sur la mer comme une débâcle de banquises.

De grands bœufs gris, accouplés sous le joug, s’avancent lente-
ment, traînant la charrue ; les sillons s’ouvrent derrière eux. Le
groupe en est répété trois ou quatre fois avec une symétrie voulue.
11 se dégage de l’ensemble une sorte de solennité, c’est comme
l’accomplissement d'un rite, le Labour : c’est le rite mystérieux qui
prépare la fécondité de la terre. Pas de détails: l’artiste n'en a voulu
aucun, pour ne pas nous distraire de l'idée concrète, synthétique
qu’il s’est proposé d’exprimer.

Cette toile est une décoration destinée au Capitole de Toulouse.
Elle ira rejoindre La Muraille exposée il y a deux ans ; elle prendra,
rapprochée de l’autre, une signification spéciale. Sur La Muraille,
une foule inquiète, ardente, s’agite à la veille d’un combat, dont des
cliquetis d’épée entendus dans le ciel sont les signes avant-coureurs.
Ici, le calme d’une scène des Géorgiqnes, l’assoupissement de la
nature poursuivant son œuvre dans une paix éternelle ; la terre,
engraissée peut-être par une récente bataille, qui s’ouvre au milieu
du silence pour recevoir dans ses sillons la petite graine qui doit
devenir le pain.
 
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