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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
la chambre où l’on conservait les xsiu/paa s’appelait xsquïpuàpy r,ov,
et le préposé à la garde des joyaux impériaux, qui comprenaient
surtout des camées, était le xsip-/|)aàpyoç.
Qu'on se rappelle la place prépondérante que les Byzantins
avaient donnée aux produits de la glyptique dans leur luxe public
et privé. Il faut lire, dans le Livre des Cérémonies de Constantin
Porphyrogénète, le détail des pompes officielles de la cour, où l’on
reconnaît l’empereur, les évêques, les grands dignitaires de tous
ordres, portant, dans les processions, les réceptions d’ambassadeurs
étrangers ou toute autre occasion solennelle, les dépouilles de la
glyptique romaine comme insignes de leur dignité et de leur rang. Il
faut relever chez les auteurs byzantins et dans les documents du
moyen âge relatifs aux Croisades, F énumération des richesses vrai-
ment féériques, enlevées non seulement à Rome, sous Constantin,
mais plus tard dans toutes les villes de la Sicile, de la Crète, de
Rhodes, aussi bien qu’à Athènes, Antioche, Smyrne, Césarée, et qui
vinrent s’accumuler dans les palais et les églises de Byzance, d’où
ils devaient, au xme siècle, se disperser dans l’Occident de l’Europe.
Tout le monde connaît le récit fait par Villehardouin de la croi-
sade de 1204, à l’occasion de laquelle les Latins mirent la ville des
Comnènes au pillage. On sait qu’ils se ruèrent avec une avidité sans
nom sur toutes les richesses et tous les objets d’art qui embellissaient
la capitale de l’Empire grec. Villehardouin, qui assistait à ce brigan-
dage, et qui reçut sa part de butin, dit que, dans le palais de Buco-
léon, il y avait un tel trésor qu’il ne sait comment en donner l’idée :
« Il y en avait tant, dit-il, que c’était sans fin ni mesure. » Et au
palais de Blaquerne, « le butin fut si grand que nul ne vous en sau-
rait dire le compte, d’or et d’argent, de vaisselle et de pierres pré-
cieuses, de satins et de draps de soie, et d’habillements de vair et de
gris et d’hermine, et de tous les plus riches biens qui jamais furent
trouvés sur terre ». Ainsi gorgés de richesses, les mains pleines de
gemmes, de vases précieux et de bijoux, les Latins rentrèrent dans
leurs foyers, et c’est à partir du xme siècle que les trésors des églises
du monde occidental devinrent si riches que leur préservation néces-
sita la rédaction d’inventaires détaillés. Saint-Denis, la Sainte-Cha-
pelle, Conques, Bourges, Monza, Trêves, Aix-la-Chapelle, Chartres,
Toulouse, Saint-Maurice-d’Agaune, Venise et Rome, pour ne citer
que les églises aux richesses légendaires, fondent ou développent
leurs trésors avec les rapines des Croisés.
Dès lors, n’est-ce point ce grand pillage des xsi-y/paa des palais
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
la chambre où l’on conservait les xsiu/paa s’appelait xsquïpuàpy r,ov,
et le préposé à la garde des joyaux impériaux, qui comprenaient
surtout des camées, était le xsip-/|)aàpyoç.
Qu'on se rappelle la place prépondérante que les Byzantins
avaient donnée aux produits de la glyptique dans leur luxe public
et privé. Il faut lire, dans le Livre des Cérémonies de Constantin
Porphyrogénète, le détail des pompes officielles de la cour, où l’on
reconnaît l’empereur, les évêques, les grands dignitaires de tous
ordres, portant, dans les processions, les réceptions d’ambassadeurs
étrangers ou toute autre occasion solennelle, les dépouilles de la
glyptique romaine comme insignes de leur dignité et de leur rang. Il
faut relever chez les auteurs byzantins et dans les documents du
moyen âge relatifs aux Croisades, F énumération des richesses vrai-
ment féériques, enlevées non seulement à Rome, sous Constantin,
mais plus tard dans toutes les villes de la Sicile, de la Crète, de
Rhodes, aussi bien qu’à Athènes, Antioche, Smyrne, Césarée, et qui
vinrent s’accumuler dans les palais et les églises de Byzance, d’où
ils devaient, au xme siècle, se disperser dans l’Occident de l’Europe.
Tout le monde connaît le récit fait par Villehardouin de la croi-
sade de 1204, à l’occasion de laquelle les Latins mirent la ville des
Comnènes au pillage. On sait qu’ils se ruèrent avec une avidité sans
nom sur toutes les richesses et tous les objets d’art qui embellissaient
la capitale de l’Empire grec. Villehardouin, qui assistait à ce brigan-
dage, et qui reçut sa part de butin, dit que, dans le palais de Buco-
léon, il y avait un tel trésor qu’il ne sait comment en donner l’idée :
« Il y en avait tant, dit-il, que c’était sans fin ni mesure. » Et au
palais de Blaquerne, « le butin fut si grand que nul ne vous en sau-
rait dire le compte, d’or et d’argent, de vaisselle et de pierres pré-
cieuses, de satins et de draps de soie, et d’habillements de vair et de
gris et d’hermine, et de tous les plus riches biens qui jamais furent
trouvés sur terre ». Ainsi gorgés de richesses, les mains pleines de
gemmes, de vases précieux et de bijoux, les Latins rentrèrent dans
leurs foyers, et c’est à partir du xme siècle que les trésors des églises
du monde occidental devinrent si riches que leur préservation néces-
sita la rédaction d’inventaires détaillés. Saint-Denis, la Sainte-Cha-
pelle, Conques, Bourges, Monza, Trêves, Aix-la-Chapelle, Chartres,
Toulouse, Saint-Maurice-d’Agaune, Venise et Rome, pour ne citer
que les églises aux richesses légendaires, fondent ou développent
leurs trésors avec les rapines des Croisés.
Dès lors, n’est-ce point ce grand pillage des xsi-y/paa des palais