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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Renan, Ary: Théodore Chassériau et les peintures du Palais de la Cour des Comptes
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0111
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

line, les turbans, les ceintures diaprées font un contraste heureux avec les
costumes plus sévères du Nord. La mer, non plus bleue cette fois, mais
verte, brode d’une frange argentée les récifs et les fortifications de la côte
et le vent plus âpre lui arrache des lanières d’écume qui s’éparpillent en
l’air. »

La surprise sui generis que ressentit Gautier devant ces deux
images, alors dans leur fleur, nous la ressentons, la même, non
devant celle qui subsiste seulement, mais devant la plupart des
œuvres du jeune créole. Quelque chose, de mystérieux passe dans
l'air ; on dirait d’un vent chargé de senteurs inconnues,, soufflant,
ainsi que les moussons des tropiques aux navigateurs, les parfums
des terres invisibles et des paradis légendaires ; l’Orient s’annonce
à l’art par des effluves et des scintillements et dégage un charme
occulte, l’Orient capiteux des rêves et des religions hybrides, des
pompes et des fantasmagories. « Chassériau, dit Gautier, jette dans
le monde antique la beauté des races nouvelles ou du moins que
jusqu’ici le pinceau a dédaignées ; telle de ses figures ne doit pas
différer beaucoup du portrait de Sacountala absente, fait par le roi
Douchmanta »; et, ailleurs, pour chercher encore un vocable spé-
cieux qui exprime l’hymen de deux beautés, à propos de XApollon et
Daphné, il louera « la grâce étrange, le goût gréco-indien qui font
du jeune peintre un artiste à part ».

Oui, c’est un art à part pour nous encore comme il était déjà
pour les spectateurs de l’époque romantique, familière avec tontes
les hardiesses. Interrompant son travail, Chassériau avait, pendant
l’année 1846, fait un voyage dans la province de Constantine ; l’illu-
mination de la vie orientale le transporta, il en garda l’impression
vibrante et mélancolique durant les dix dernières années de sa vie,
et cent toiles sont là dans son œuvre éparse que le reflet de quelques
spectacles entrevus teinte de feux magnifiques. Mais dans ce voyage
n’est pas le secret encore de cette saveur exotique, bien plus subtile
et d’un sensualisme plus rare que celle dont on rapporte des cro-
quis. Peintre orientaliste, assurément Chassériau l’est devenu par
cette brusque révélation, et ce fut longtemps son seul titre à quelque
célébrité ; mais l’odeur asiatique se laisse percevoir dans les pein-
tures de la Cour des Comptes ; ce n’est pas celle des faciles fantasias
barbaresques et des ajustements de harem, c’est celle qui flotte jusque
dans les nudités païennes de l’artiste, insaisissable et voluptueuse,
imprégnant tout à la façon des essences et des aromates.

Revenons à la Guerre. — C’était, en vis-à-vis, l’ensemble cor-
 
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