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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
En résumé, pour cette première année du règne, si importante
dans l’histoire de Marie-Antoinette, nous n’avons plus que de mau-
vaises gravures, qui ne permettent pas de se faire une idée juste de
la transformation que ce changement de position aurait pu causer
dans l’expression de la physionomie de la nouvelle souveraine. Par
bonheur, cette pénurie de documents dignes de foi est de courte
durée; dès l’année suivante, ils abondent.
Nous rencontrons d’abord, sur notre route, les dessins si vrais et
si fins de Moreau le jeune. Déjà ce grand artiste avait fait, en 1773,
pour servir de frontispice aux Chansons de Laborde, un ravissant
portrait de face de Marie-Antoinette. Sans flatter son modèle, dont,
entre autres traits caractéristiques, il avait osé représenter le front
en sa hauteur excessive, il avait su rendre toute la grâce de ce frais
visage de jeune fille. Cependant son œuvre n’eut pas l’heur de plaire ;
dans l’édition, on la remplaça par les armes de la Dauphine; on
n'en connaît qu’une précieuse épreuve d’essai1. En 1775, dans le
portrait que, d’après son dessin, Gaucher grava pour les Annales du
Règne de Marie-Thérèse, Moreau fut tout aussi Jidèle. Le visage de
la Reine, vu de profil, rappelle le médaillon dessiné par Vassé, en
1770, le front trop haut et fortement bombé, l’œil un peu gros et les
lèvres fortes ; mais un doux sourire donne à ce portrait d’nn art si
délicat un charme exquis. Moreau introduisit ensuite ce médaillon
dans une composition allégorique dédiée à la Reine et gravée par Le
Mire. C.-N. Cochin le fils ne voulut pas rester en arrière; en 1776,
il composa, pour y placer le portrait de Marie-Antoinette, deux allé-
gories qui furent gravées, Lune par B.-L. Prévost et l’autre par de
Longueil. La première porte pour titre : Hommage des Arts; elle est
un peu froide, mais le portrait de la Reine est excellent. C’est une
gracieuse image, bien que vraie et ressemblante ; elle est tout à fait
Salon de 1773, fit rapidement, clans les derniers mois de cette année, un autre
portrait de la Dauphine, en ne conservant du premier que la figure seulement.
Alors, mécontent de cette œuvre, qui peut-être lui avait été imposée, il ne l’au-
rait pas signée, ainsi qu’il avait l’habitude de le faire et qu’il avait fait pour le
portrait primitif. Après tout, c’est possible, quoique peu vraisemblable. Néan-
moins, il y a là un petit problème, dont il sera malaisé d’obtenir une solution
satisfaisante, tant qu’on ne pourra pas procéder à une comparaison directe
entre le portrait du South Kensington et la tapisserie de Bordeaux.
1. Elle appartient à M. H. Béraldi, qui en a donné une reproduction hélio-
graphique, en tête du catalogue de sa bibliothèque, dans Estampes et Livres, Paris,
1892, in-8°.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
En résumé, pour cette première année du règne, si importante
dans l’histoire de Marie-Antoinette, nous n’avons plus que de mau-
vaises gravures, qui ne permettent pas de se faire une idée juste de
la transformation que ce changement de position aurait pu causer
dans l’expression de la physionomie de la nouvelle souveraine. Par
bonheur, cette pénurie de documents dignes de foi est de courte
durée; dès l’année suivante, ils abondent.
Nous rencontrons d’abord, sur notre route, les dessins si vrais et
si fins de Moreau le jeune. Déjà ce grand artiste avait fait, en 1773,
pour servir de frontispice aux Chansons de Laborde, un ravissant
portrait de face de Marie-Antoinette. Sans flatter son modèle, dont,
entre autres traits caractéristiques, il avait osé représenter le front
en sa hauteur excessive, il avait su rendre toute la grâce de ce frais
visage de jeune fille. Cependant son œuvre n’eut pas l’heur de plaire ;
dans l’édition, on la remplaça par les armes de la Dauphine; on
n'en connaît qu’une précieuse épreuve d’essai1. En 1775, dans le
portrait que, d’après son dessin, Gaucher grava pour les Annales du
Règne de Marie-Thérèse, Moreau fut tout aussi Jidèle. Le visage de
la Reine, vu de profil, rappelle le médaillon dessiné par Vassé, en
1770, le front trop haut et fortement bombé, l’œil un peu gros et les
lèvres fortes ; mais un doux sourire donne à ce portrait d’nn art si
délicat un charme exquis. Moreau introduisit ensuite ce médaillon
dans une composition allégorique dédiée à la Reine et gravée par Le
Mire. C.-N. Cochin le fils ne voulut pas rester en arrière; en 1776,
il composa, pour y placer le portrait de Marie-Antoinette, deux allé-
gories qui furent gravées, Lune par B.-L. Prévost et l’autre par de
Longueil. La première porte pour titre : Hommage des Arts; elle est
un peu froide, mais le portrait de la Reine est excellent. C’est une
gracieuse image, bien que vraie et ressemblante ; elle est tout à fait
Salon de 1773, fit rapidement, clans les derniers mois de cette année, un autre
portrait de la Dauphine, en ne conservant du premier que la figure seulement.
Alors, mécontent de cette œuvre, qui peut-être lui avait été imposée, il ne l’au-
rait pas signée, ainsi qu’il avait l’habitude de le faire et qu’il avait fait pour le
portrait primitif. Après tout, c’est possible, quoique peu vraisemblable. Néan-
moins, il y a là un petit problème, dont il sera malaisé d’obtenir une solution
satisfaisante, tant qu’on ne pourra pas procéder à une comparaison directe
entre le portrait du South Kensington et la tapisserie de Bordeaux.
1. Elle appartient à M. H. Béraldi, qui en a donné une reproduction hélio-
graphique, en tête du catalogue de sa bibliothèque, dans Estampes et Livres, Paris,
1892, in-8°.