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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 4
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Lechat, Henri: Quelques vues sur l'évolution de la sculpture grecque, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0339
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L’ÉVOLUTION DE LA SCULPTURE GRECQUE

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Cependant on ne trouve pas que les Madones de Luini, par exemple,
rendent inutiles celles de Raphaël, attendu que, dans les unes et les
autres, nous cherchons uniquement le talent et l’âme du peintre et la
vision particulière qu’il a eue d’un sujet commun à tous. « Inventer
dans un art, écrivait Poussin, c’est découvrir des harmonies propres
à cet art. » Madones, Apollons et Vénus ne sont que des occasions
d’inventer de nouvelles harmonies propres à l’art du peintre ou du
sculpteur. Ainsi, ne nous plaignons pas qu’un Praxitèle ait fait dix
Apollons ou dix Aphrodites ; regrettons qu’il n’en ait pas fait davan-
tage ; car, dans ces thèmes mille fois traités déjà, il cherchait à ex-
primer son rêve — toujours incomplet, toujours à reprendre — de
beauté féminine ou de beauté virile, et ces redites-là ne sont point de
celles qu’il faut craindre L

Certes, il n’est pas indifférent que le répertoire des sujets soit
très borné ou très étendu ; mais ce n’est pas d’après leur nombre
qu’on doit prononcer sur la richesse d’un art, c’est plutôt d’après
la quantité de variations dont nous voyons qu’un seul thème a été
susceptible. Aussi bien, la sculpture grecque a réuni ces deux genres
de richesse : d’une part, son domaine n’a cessé de s’étendre, et la va-
riété simplement matérielle et apparente de son œuvre est incompa-
rable, aux yeux de quiconque prend la peine d’examiner avant de
juger ; d’autre part,certains de ses types, surtout ceux des dieux, qui,
en Grèce,sont beaucoup plus des créations artistiques que des concep-
tions religieuses, ont été,, entre les mains des grands sculpteurs,
comme des lyres mélodieuses, dociles à l’inspiration de chacun tour
à tour, et productrices intarissables d’une beauté toujours nou-
velle.

Quelle est, cependant, la valeur de cette beauté et la qualité des
types plastiques où elle a pris forme ? Purement physique et exté-
rieure, a-t-on dit, mais dénuée de pensée et de sentiment. C’est
Chateaubriand le premier, je crois, qui s’est plaint de ne pas trouver

1. « Ce qui fait les hommes de génie..., ce ne sont pas les idées neuves, c’est
cette idée, qui les possède, que ce qui a été dit ne l’a pas encore été assez. »
(■Journal d'Eugène Delacroix, I, p. 118). — « J’estime qu’en fait d’art il n’y a pas
de redites à craindre. Tout est vieux et tout est nouveau... Heureusement pour
nous, l’art n’épuise rien, il transforme tout ce qu’il touche, il ajoute aux choses
plus encore qu’il ne leur enlève... Le jour où paraît une œuvre d’art, fût-elle
accomplie, chacun peut dire, avec l’ambition de poursuivre la sienne et la certi-
tude de ne répéter personne, que cette œuvre est à refaire. » (Fromentin, Une
année dans le Sahel, p. 33-34 de l’édition in-12.)

xxi. — 3e PÉRIODE.

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