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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
la raison en est que le goût public s’était porté d’un autre côté et
que l’ivoire avait cessé de plaire. Il semble qu’avec le xvme siècle
il ait retrouvé un certain regain de popularité ; l’art de l’ivoirier
redevient alors une industrie dont Dieppe est le centre le plus
florissant. Quelques râpes à tabac, l’une, en particulier, à décor de
dauphins, de pampres et de coquilles, appartenant au musée
d’Amiens, une autre où se voit Louis XV enfant, assis sur un
trône, et prêtée par M. Level, peuvent mériter une rapide mention.
Le musée de Dieppe a envoyé toute une série de petits objets de
l'époque de Louis XV et de Louis XVI, qui montrent combien
s’étaient perdues les traditions de la saine logique ; ce sont des
étuis si uniformément ajourés qu’ils ne peuvent contenir les
aiguilles, leur raison d’être, que grâce à une double gaine ; ce
sont des navettes trouées comme des dentelles,, si fragiles que les
mains les plus légères les briseraient au premier usage ; ce sont
surtout des couvercles de boîtes, de tabatières, dont les sujets
repercés mille fois et se détachant sur paillons de couleur, rappel-
lent de trop près, sans les surpasser en intérêt, les découpures de
papier auxquelles s’amusait la patience de nos aïeules. Dans tous
ces menus bibelots, bibelots de vitrine et non objets d’usage, l’ivoi-
rier s’est complu à accumuler les difficultés pour se donner la
satisfaction de les vaincre, et si l’on peut louer son œil et son
outil, le sentiment que provoque une pareille habileté est surtout
le regret de la voir s’attarder à un pareil travail.
P, F R A N T Z M A R C O U
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la raison en est que le goût public s’était porté d’un autre côté et
que l’ivoire avait cessé de plaire. Il semble qu’avec le xvme siècle
il ait retrouvé un certain regain de popularité ; l’art de l’ivoirier
redevient alors une industrie dont Dieppe est le centre le plus
florissant. Quelques râpes à tabac, l’une, en particulier, à décor de
dauphins, de pampres et de coquilles, appartenant au musée
d’Amiens, une autre où se voit Louis XV enfant, assis sur un
trône, et prêtée par M. Level, peuvent mériter une rapide mention.
Le musée de Dieppe a envoyé toute une série de petits objets de
l'époque de Louis XV et de Louis XVI, qui montrent combien
s’étaient perdues les traditions de la saine logique ; ce sont des
étuis si uniformément ajourés qu’ils ne peuvent contenir les
aiguilles, leur raison d’être, que grâce à une double gaine ; ce
sont des navettes trouées comme des dentelles,, si fragiles que les
mains les plus légères les briseraient au premier usage ; ce sont
surtout des couvercles de boîtes, de tabatières, dont les sujets
repercés mille fois et se détachant sur paillons de couleur, rappel-
lent de trop près, sans les surpasser en intérêt, les découpures de
papier auxquelles s’amusait la patience de nos aïeules. Dans tous
ces menus bibelots, bibelots de vitrine et non objets d’usage, l’ivoi-
rier s’est complu à accumuler les difficultés pour se donner la
satisfaction de les vaincre, et si l’on peut louer son œil et son
outil, le sentiment que provoque une pareille habileté est surtout
le regret de la voir s’attarder à un pareil travail.
P, F R A N T Z M A R C O U