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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 25.1901

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Nr. 2
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Montesquiou-Fezensac, Robert de: Monticelli
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https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0103
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

par sympathie pour ce brave artiste, « peuple » comme eux, aiment
suspendre aux murs sombres de leur logis, entre une rame et une
palangre, ces petits carrés éblouissants, dont l’harmonieux éclat
leur rappelle les grandes clartés du large, les pourpres du ciel au
couchant, les phosphorescences de la mer. » Ailleurs, les petits carrés
éblouissants luttent contre un climat fuligineux, triomphent des
spleenétiques brumes : « Il advint, écrit M. Émile Bergerat, que,
dans une petite ville d’Ecosse, houillère et charbonnière, où la vie
est morte et le ciel fumeux, l’aristocratie minière s’éprit jusqu’à la
manie des visions troubles et charmantes du Turner français. Chacun
voulut avoir l’une de ses pièces, afin de l’éclairer, le soir, au réflec-
teur mobile, et de rêver devant elle en fumant des cigares, comme
on joue au kaléidoscope. Ensuite l’Amérique s’enchanta, et des
caisses de Monticelli traversèrent les mers. »

La presse locale, parcourue en des collections datant de loin,
ne me fournit sur le compte de Monticelli qu’une maigre contri-
bution monotone et ressassée. Les termes en sont peu nombreux,
sinon peu caractéristiques. L’amour-propre de clocher s’en gonfle
sinon avec exagération, du moins en un trouble discernement, qui
se targue d’un prix, se hérisse d’une anecdote, l’un comme l’autre
assez peu renouvelés. Un tableau du peintre, acheté S.000 francs
par Napoléon III, à Vichy, disparaît dans l’incendie des Tuileries.
Une peinture de Monticelli atteint, à l’ébahissement général, le prix
de 8.S00 francs à la vente Burty, en 1891. Le prix de 25.000 francs
est mis en avant par d’autres chroniqueurs, mais pour deux tableaux
qu’ils ne précisent pas ; et l’assertion peut bien être erronée. En
revanche, le seul que le musée de Marseille daigne accueillir est
de ceux que l’artiste vendait quinze francs à sa clientèle des Allées.

Monticelli aimait la musique jusqu’au délire. Sa palette com-
portait vingt-sept couleurs. Tout lui était bon pour la distribuer sur
la toile, fût-ce le tuyau de sa pipe. Mais une science profonde des
réactions et de toute la chimie de son art le rendait maître de ses
effets, jusqu’à des conclusions presque magiques. C’est un fait
presque avéré, bien que démenti par plusieurs, que certain paon,
aujourd’hui plus que visible, admirable, dans un tableau de la
collection Samat, faisait totalement défaut lors de la livraison de la
toile par son auteur, qui cependant s’était engagé à y faire figurer
cet oiseau. « Non seulement il y est, mais il est très beau, avait
affirmé Monticelli, et il sortira. » Et le paon est sorti, désormais
 
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