LA DÉCORATION ET LES INDUSTRIES D’ART
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petite manufacture déterminant une orientation nouvelle dans la
fabrication delà porcelaine. A la suggestion du Japon, j’imagine, les
artisans danois comprirent tout ce qui pouvait être espéré de l’obser-
vation directe, franche, de la nature
et du milieu; ils regardèrent autour
d’eux; ils s’inspirèrent du caractère
particulier de leur pays; en même
temps, ils se montrèrent conscients
des lois spéciales de la porcelaine et
jaloux de lui conserver sa transpa-
rence, en ne la parant que de nuances
grises, bleuâtres, mauves, vagues,
mourantes, éteintes, qui offrent au
regard la volupté d’une caresse alan-
guie. Ils n’ont délaissé le répertoire
des gammes dégradées que lorsqu’il
s’est agi de pièces importantes desti-
nées à être vues de loin ; sur les vases,
sur les plats, se retrouvaient les
décors familiers, d’un charme inou-
blié : la côte danoise avec de grands
arbres courbés par l’ouragan, le défilé
des cerfs et des biches par la forêt
sombre, le repos des mouettes sur les
récifs perdus dans la mer immense,
le lent cheminement des chevaux de
halage, ou, tout uniment, des poissons
transparaissant sous l’émail, une
Heur, un arbre dominant une cime.
Ces thèmes valent par l’intimité, par
la sincérité de l’artiste, qu’on sent
toujours intéressé, ému presque; ils
valent aussi par le soin apporté à
une interprétation rationnelle qui se
règle sur la forme de l’objet et les convenances de la matière.
C’est le mérite de M. Philipp Schou et de M. Arnold Krog de
n’avoir pas toléré de dérogation à l’observance de ces principes pour
cette curieuse série d’animaux — qui constituait un des attraits
nouveaux de l’exposition de la Manufacture, — et d’avoir veillé à ce
que le modeleur, M. Linberg, s’interdît les formes ou les détails
« ANGELICA ARCH ANGELICA »,
CORNET EN CRISTAL MARQUETÉ ET GRAVÉ,
PAR M. ÉMILE GALLE
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petite manufacture déterminant une orientation nouvelle dans la
fabrication delà porcelaine. A la suggestion du Japon, j’imagine, les
artisans danois comprirent tout ce qui pouvait être espéré de l’obser-
vation directe, franche, de la nature
et du milieu; ils regardèrent autour
d’eux; ils s’inspirèrent du caractère
particulier de leur pays; en même
temps, ils se montrèrent conscients
des lois spéciales de la porcelaine et
jaloux de lui conserver sa transpa-
rence, en ne la parant que de nuances
grises, bleuâtres, mauves, vagues,
mourantes, éteintes, qui offrent au
regard la volupté d’une caresse alan-
guie. Ils n’ont délaissé le répertoire
des gammes dégradées que lorsqu’il
s’est agi de pièces importantes desti-
nées à être vues de loin ; sur les vases,
sur les plats, se retrouvaient les
décors familiers, d’un charme inou-
blié : la côte danoise avec de grands
arbres courbés par l’ouragan, le défilé
des cerfs et des biches par la forêt
sombre, le repos des mouettes sur les
récifs perdus dans la mer immense,
le lent cheminement des chevaux de
halage, ou, tout uniment, des poissons
transparaissant sous l’émail, une
Heur, un arbre dominant une cime.
Ces thèmes valent par l’intimité, par
la sincérité de l’artiste, qu’on sent
toujours intéressé, ému presque; ils
valent aussi par le soin apporté à
une interprétation rationnelle qui se
règle sur la forme de l’objet et les convenances de la matière.
C’est le mérite de M. Philipp Schou et de M. Arnold Krog de
n’avoir pas toléré de dérogation à l’observance de ces principes pour
cette curieuse série d’animaux — qui constituait un des attraits
nouveaux de l’exposition de la Manufacture, — et d’avoir veillé à ce
que le modeleur, M. Linberg, s’interdît les formes ou les détails
« ANGELICA ARCH ANGELICA »,
CORNET EN CRISTAL MARQUETÉ ET GRAVÉ,
PAR M. ÉMILE GALLE